Faire de sa vie une oeuvre d'art
Le film, qui se présente au premier abord comme un biopic, raconte l'histoire de Charles Bronson, le prisonnier le plus célèbre du Royaume-Uni. Condamné à plusieurs années de prison pour un braquage ne lui ayant rapporté que quelques livres sterling, Bronson, ayant le rêve de devenir célèbre, va par sa violence augmenter à chaque bagarre avec les gardiens pénitenciers sa notoriété mais aussi la durée de sa peine.
D'un point de vue philosophique, ce film tente de répondre selon moi à une question qui a traversé l'histoire de la pensée artistique : comment faire de sa vie une œuvre d'art ? En effet, Bronson, dans ce film, se met en scène, en se déguisant ou en s'enduisant de peinture, et joue un personnage, celui d'un homme libre jusqu'à la mort. C'est pourquoi ce film, du début à la fin, est une mise en abîme, et s'inscrit dans la pensée du dramaturge espagnol Calderón, résumée par l'expression theatrum mundi ou « théâtre du monde », qui signifie que le monde lui-même est une scène sur laquelle chaque homme joue un rôle, c'est-à-dire que nous ne nous définissons que par ce que les autres voient de nous et que par conséquent nous sommes amenés à nous travestir, à être quelqu'un que nous ne sommes pas en réalité.
Cette mise en abîme nous amène au côté technique et virtuose du film. La mise en scène est en effet dans la droite lignée du travail de Nicolas Winding Refn : elle est millimétrée, épurée, et joue constamment entre la mise en valeur de Charles Bronson par des plans en contre-plongée et sa simple condition d'homme parmi les autres par des plans en plongée, soulignant la force et la singularité du personnage mais aussi sa faiblesse et sa proximité avec nous. Il convient également de saluer la performance de Tom Hardy, qui incarne parfaitement Charles Bronson, son apparente folie et son intelligence intérieure. Matt King effectue aussi un travail remarquable dans ce film, jouant l'organisateur de combats métrosexuel qui va prendre Charles Bronson sous son aile.
Mais Bronson, c'est aussi une réussite auditive, de par les morceaux choisis par Refn. De la musique classique rappelant la violence d'Orange Mécanique au rock rappelant celle des films de combat en passant par de l'electro-disco s'inscrivant dans le contexte des années 1980 du film (mention spéciale au morceau Digital Versicolor de Glass Candy), la bande originale de Bronson est toujours cohérente avec le message et l'ambiance du film.
Pour résumer, Bronson raconte une histoire, celle d'un homme au premier abord dangereux psychopathe mais en réalité semblable à nous par sa volonté de ne pas être asservi, mais est aussi un chef d'oeuvre de technicité cinématographique, dépassant le cadre du biopic pour s'inscrire dans l'oeuvre singulière de Nicolas Winding Refn.