Pas un seul plan à jeter dans ce (un peu trop) long métrage. Froideur ascétique et lumière soignée apparaissent totalement naturelles. La caméra cristallise, sans altérer, les mouvements ni la matière physique du monde paysan. Les cadrages sont magnifiques, malgré quelques scènes d'une violence insoutenable.
Le traitement du sujet social et psychique est intéressant : nous assistons au processus de réflexion du criminel qui parle, et nous découvrons avec lui, de façon brute, les causes de ses pulsions meurtrières depuis l’enfance. Pas de jugement moral (excepté la critique contre l’Eglise), mais une recherche des causes déterministes qui l’ont amené à agir, sans idéalisation du tueur (et ce malgré l’omniprésence de son visage totalement hypnotisant). Nous suivons le cheminement jusqu'au moment ultime où Bruno attirera sa proie dans les bois pour assouvir ses besoins.
Nous sommes nombreux à vouloir résoudre cette question : étant posé qu’il n’est pas fou, comment un adolescent peut-il en arriver là ? Particulièrement intelligent, Bruno est sensible à la brutalité de son milieu (le sang des bêtes, une mère brusque et travailleuse) puis subit un viol (renforçant ses pulsions), et ne veut pas avouer son homosexualité refoulée. Il vit donc à la fois un décalage avec sa famille et ses camarades qui ont l’air heureux, avec qui il développe un complexe de supériorité et d’infériorité. Comme tous psychopathes, il veut jouir du pouvoir de vie et de mort sur ceux-ci. Cela étant dit (et assez tôt dans le film), ça n'ira pas plus loin.
Le sujet, en soi vain, donne lieu à des explications ressassées, dont l’impasse est à l'image de la masturbation convulsive du garçon. Ce dernier tourne en rond, entre lutte et résignation, entre destin de prêtre ou destin de tueur, avec entre les deux une zone mystérieuse dont la seule manifestation est celle de cette masturbation que les destins sont appelés à pallier. Cette non-résolution est le cœur du film, ce qui le pousse à être un peu trop répétitif avec une égale intensité du début à la fin (manque de contraste). Nous n'aurons jamais la réponse à la question. Et il va falloir s'en accommoder. Car plus nous accompagnons cette tentative d’auto-analyse, pourtant menée avec justesse, moins il est certain qu'il faille rechercher absolument cette zone de la psyché humaine...
Reste donc une mise en scène majestueuse.