Le train est très cinégénique. Paysages qui défilent, proximité avec des inconnus, mouvement, temps qui s’arrête, moments propices à l’introspection. Ici, un train un peu cafardeux où tout est exigu et bordélique. Raconter une rencontre dans un train sous forme de quasi huis clos n’est pas ultra original, mais ce n’est pas un problème.
Certes, les personnages n’échappent pas totalement aux clichés (le mec est un Russe alcoolique, rustre, un macho qui dans le fond a un grand grand cœur… donc détestable. La fille est une Finlandaise archéologue plus stable) mais ceci est rapidement balayé par la qualité d’interprétation, l’intelligence du jeu et leur façon de se mouvoir dans un film où tout est mouvements, saccades, chutes, secousses, batailles de neige… De façon totalement enivrante. La relation entre les deux personnages, « que tout oppose » donc, évolue de façon crédible et enfantine, ponctuée par des dialogues francs et simples, sans surcharge ("- comment tu dis je t'aime en finnois? -Va te faire foutre") laissant libre cours à une communication non verbale très forte. Le jeu de Seidi Haarla, d’une criante justesse naturaliste vient combler le manque d’éléments sur sa vie dont on sent qu’elle se situe à un tournant existentiel où la solitude va laisser place à la liberté.
La mise en scène (gros plans, mouvements rapides, caméra à l’épaule) aurait pu être chiante mais elle est maitrisée et surtout elle sublime tout sur son passage, sans enjolivement particulier. Une effervescence qui respire, grâce à des plans sur un extérieur silencieux d’une stupéfiante mélancolie : feux tricolores dans la nuit, chemins de fer enneigés, blizzard, usines désaffectées, bateau en ruines. Une ambiance puissante à partir de décors naturels.