A l'instar des délires visuels de bruit et de fureur de Joe Carnahan, David Leitch s'amuse et use de couleurs agressives à défaut d'une action sans temps mort et d'une violence exacerbée ici totalement minorée par le manque d'enjeu extérieur et par des interludes verbeux réguliers. Et si l'explication du peu de monde dans le train nous ait finalement donnée, l'idée de facilité n'en sera pas pour autant écartée. L'humour absurde et les invraisemblances de situations viennent en décalage de la violence des échanges, pour des assassins déjantés, où l'envie de dialoguer, viendra, tel un moment de repos bien mérité, parasiter régulièrement l'action pour un moment plus ou moins convivial et aux dialogues pas toujours inspirés. On retrouve l'humour lourdaud de Deadpool 2 et la maîtrise de l'enchaînement déjà à l'œuvre dans le premier opus de John Wick. Leitch propose finalement ce qu'il sait faire sans trop de finesse.
Adapté du livre Maria Beetle de Kōtarō Isaka, on retrouve le genre manga, avec du sang qui gicle sans complexe et l'adolescent en mal-être, ici une collégienne revancharde vis-à-vis de son paternel et prête à tous dommages collatéraux pour arriver à ses fins.
Quelques acteurs du cru ne suffiront pas à masquer la revisite US, les deux n'étant pas les mieux lotis en matière de présence (Hiroyuki Sanada et Andrew Koji) .
s'il n'était pas de toutes les scènes, Brad Pitt tout à son confort, se ferait presque voler la vedette par l'émotif, de plus en plus hirsute et débraillé et excellent Aaron Taylor-Johnson très attaché à son faux jumeau Brian Tyree Henry. Deux vrais tueurs qui ne lésinent pas sur l'hémoglobine, mais au lien indéfectible et aux grandes envolées sentimentales que l'on finira par partager. Un hommage à Tarantino pour leurs noms de codes (Citron et Mandarine), et un clin d'œil à tous les Mister et autres qualificatifs colorés de Reservoir dogs, (avec un gros penchant pour Mr Blonde, flashbacks de leur historique aidants) sans atteindre ici l'efficacité de l'interaction de ses personnages, ni les effets rebonds jubilatoires du verbe.
On pourrait même regretter que ces inserts soient si courts, tant le déroulement dans le train n'utilise pas son plein potentiel et joue de la récurrence. Leitch aura tendance à la surenchère peu lisible et accessoire, ne mettant pas assez en valeur son espace clos. Les wagons, l'utilisation de divers ustensiles à la défense ou de lieux où se cacher étant quasiment tous à l'identique.
On s'agace aussi rapidement de l'imagerie de Joey King qui ne convainc pas, ou de Michael Shannon qui vient s'inviter un peu comme un cheveu sur la soupe dans le rôle de la mort blanche que tous veulent éliminer, sans le savoir forcément. Se rajoute un caméo de Ryan Reynolds pour le fun, qui nous amènerait méchamment à penser que Leitch pousse un peu le bouchon dans son étalage de stars. Mais une pensée nostalgique pour notre tueur El Saguaro (Benito Antonio Martínez), au hurlement de louveteau, qui disparaît aussi rapidement qu'il est venu, pour se rattraper avec ceux qui ressuscitent pour notre plus grand plaisir.
Et enfin, l'ancien cascadeur finit par dynamiser sa mise en scène, en seconde partie pour l'instant défouloir, malgré des effets spéciaux grossiers, on pourra même sentir du vent dans les cheveux. Ceux qui aiment la fluidité du coup de sabre, devront attendre les quelques coupes franches en fin de partie, pour profiter un peu de l'imperturbable Hiroyuki Sanada, tout en s'interrogeant à comment casser une vitre d'un train à grande vitesse à la seule force d'un poing.
Reste que si le début est laborieux, trop bavard et que l'humour fait bien souvent défaut, on prend ce qui nous ait donné de voir comme on a pu le faire avec Atomic blond et une Charlize Theron en petite forme. Le gros bémol viendra des échanges d'un vide abyssal, entre notre tueur dépassé et sa référente (Sandra Bullock), que l'on devra supporter tout du long.