Bunuel après l'âge d'or est un film d'animation retraçant l'origine et le déroulement, à la fois miraculeux, si l'on considère la manière dont ce projet a pu être financé, et à la fois terrible, lorsqu'on prend conscience de la réalité des images, de son documentaire Terre sans pain. Ce qui fait la singularité de ce film, et ce qui le rend cohérent dans ses incohérences, ce sont d'une part les insertions des passages du véritable documentaire, et, d'autre part, les distorsions oniriques permettant de rendre compte du processus de création de Bunuel, ainsi que de la mesure dans laquelle il intègre la dimension surréaliste de son oeuvre jusque dans le cadre du documentaire. Par ailleurs, le conflit intérieur qu'il éprouve vis à vis de l'influence trop importante de Dali sur ce qu'il est devenu est exploitée afin de nous faire comprendre l'envergure qu'a pris cette rivalité dans son inconscient et dans l'expression de son art. Il en découle donc des scènes frappantes, questionnant le principe même de réalité au cinéma en montrant comment certains événements sont parfois provoqués par le réalisateur, comme lorsque lui et son équipe achètent une poule pour filmer sa décapitation, lorsqu'ils tirent sur des biches afin de les faire tomber d'une falaise, ou encore lorsque Bunuel achète un âne et brise des ruches pour que les abeilles le dévorent, afin de choquer le spectateur. Car si l'instant ne se produit pas au moment où la camera est là, il faut le recréer. Et c'est justement ce que Bunuel dit lui-même à propos de son film : un documentaire, c'est faire une recréation dramatique à partir du réel.