Réalisé par Adrian Langley et présenté au festival de Gérardmer en 2021, Butchers est un survival canadien à petit budget et sans prétention qui met en scène un groupe d’amis dont la voiture tombe en panne en plein milieu d’une forêt. En tentant de contacter un dépanneur, ils tombent sur deux frères sadiques (type redneck) qui veulent les kidnapper pour les torturer et/ou les tuer.
Butchers se divise en deux parties : une première consacrée aux tentatives des frères pour capturer le groupe, et une seconde centrée sur les tortures et les tentatives d’évasion. Sur le papier, l’idée d’un survival en plein jour, baigné de lumière naturelle, est intrigante, et la prise de risque est à saluer. Toutefois, lorsque l’on souhaite réaliser un film d’horreur de jour avec un tueur à visage découvert, la mise en scène et le scénario doivent redoubler d’efforts pour instaurer une atmosphère angoissante. Butchers est passé totalement à côté de ce défi.
La mise en scène accumule les idées, mais aucune n’est exploitée jusqu’au bout.
Par exemple, les quelques plans en found footage à travers le caméscope d’un des personnages étaient intéressants, même s’ils sont loin d’être révolutionnaires. L’effet d’une caméra de mauvaise qualité, associé à une forêt sans fin, aurait pu permettre des plans flous servant à renforcer l’immersion et à apporter une menace latente. Rien de tout cela ne se produit : le caméscope est introduit, utilisé pour quelques séquences sans impact ni sur l’intrigue, ni sur l’atmosphère, et c’est tout. Même lorsque les personnages capturent des images du tueur, la caméra ne révèle rien de plus que ce qu’ils ont déjà vu en direct.
Une autre idée sous-développée réside dans les jeux de lumière naturels, dus à l’environnement extérieur. L’histoire se déroulant en plein jour, le film propose de jolis plans où les rayons du soleil traversent les arbres, créant des contrastes intéressants. Ces décors, propices à dissimuler des dangers dans les ombres de la forêt, ne sont absolument pas exploités pour influencer l’atmosphère du film et ne servent qu’à offrir une belle photographie sans intérêt. Or, Butchers est un pur film de genre que l’on regarde pour un effet précis ; la photo peut être belle, mais le contrat tacite entre le spectateur et le réalisateur n’est pas rempli si elle n’apporte rien à l’horreur.
On notera également plusieurs inserts en gros plan sur divers outils de garage qui laissent espérer des tortures créatives, mais ces accessoires finissent par être inutilisés, les frères se contentant d’armes à feu pour inspirer la peur.
Les jumpscares sont aussi trop nombreux et mal amenés. La bande originale, très classique, n’entre en scène que lorsque la menace se matérialise, ce qui gâche systématiquement l’effet de surprise.
Je reste également dubitatif quant aux choix des objectifs. Un film d’horreur tourné dans une forêt dense offrait l’opportunité d’user de grands angles qui empêcheraient le spectateur de scruter tous les détails de l’écran, créant ainsi un sentiment d’oppression et de vigilance constante. Or, la réalisation privilégie principalement des téléobjectifs, floutant la forêt alentour et centrant la focale sur l’antagoniste dès qu’il apparaît. Le spectateur n’est ainsi jamais soumis à un sentiment de terreur dû à la menace latente.
Les séquences en intérieur, dans la grange, posent moins question, mais restent extrêmement classiques, à l’image d’un montage difficilement commentable tant il est académique. Le manque de budget se fait cruellement sentir : les scènes de torture sont systématiquement hors champ, et la rare séquence explicite est caricaturale, voire dispensable.
Outre la mise en scène, le point faible majeur de Butchers réside dans la construction de son scénario.
Le film ne clarifie jamais vraiment les intentions des antagonistes. On apprend rapidement qu’ils sont prêts à tuer, mais leurs objectifs restent obscurs. Veulent-ils torturer leurs victimes ? Les tuer ? Faire des jeunes femmes les mères de leurs enfants ? Rien ne le confirme véritablement, même à la fin du film, et il n’y a aucune clarification quant à leurs motivations. Le manque de budget pour de véritables scènes gores explicites n’explique pas tout.
Le reste du récit n’est pas meilleur. La première partie, durant laquelle la menace traque les protagonistes, est classiquement construite autour d’un montage alterné de deux actions : l’une montrant les personnages se dirigeant vers la menace en quête d’aide, et l’autre montrant ceux qui les attendent. Or, alors qu’une narration devrait alimenter l’autre en construisant le suspense et l’angoisse, elle révèle purement et simplement l’arrivée de la menace, ce qui empêche toute montée d’adrénaline.
Les relations adultérines entre les personnages auraient pu apporter un peu de profondeur au récit et influencer leurs réactions face à la menace, mais elles ne sont jamais exploitées dans l’intrigue. Les personnages restent plats et sans intérêt, rendant difficile pour le spectateur de ressentir de l’empathie ou de l’angoisse.
La fin du film introduit un élément inattendu : une créature vêtue d’un costume en papier mâché, qui se révèle être le "monstre" évoqué par des bruits inhumains tout au long du film. Ce dernier sursaut d’originalité apporte un certain intérêt, mais reste insuffisant pour rattraper les faiblesses de l’ensemble.
En résumé, Butchers est un film à petit budget qui, malgré quelques bonnes idées, n’exploite rien et ne parvient à aucun moment à captiver le spectateur ou à le plonger dans une ambiance un tant soit peu oppressante. Les trois points sont pour les jolis plans en plein soleil, la fin inattendue et pour le charme de ce type de série Z, que l’on regarde aussi pour ses défauts.