Le dernier né des Studios Pixar a déçu une grande partie de la critique française. La raison étant évidente : l’histoire est trop simple. A regarder dans l’histoire du studio d’animation américain, les films ne divisent jamais autant que lorsque le scénario est une réitération déjà aperçue sur une autre œuvre. Pourtant, cela serait dommage de résumer Lightyear à un produit estampillé Disney, se servant d’un héritage acquis à la cause pour capitaliser davantage sur le succès de la franchise Toy Story. Sur un postulat digne des space opera les plus classiques, Lightyear voit les débuts de Buzz l’éclair. Alors qu’il est en mission sur une planète inconnue, il ne sait pas encore qu’il va y rester bloqué. Commence alors une série de tentatives où Buzz tente de parvenir à la vitesse-lumière, seul remède pour se sortir de la terre inconnue et revenir à la maison. Sur son chemin, vont se dresser les avancées irrémédiables du temps et l’Empereur Zurg.
S’il y a bien une qualité qui serait à reconsidérer pour l’histoire des films de l’écurie, c’est celle du recul persistent, pris sur les personnages de Toy Story. On connaît l’histoire de Buzz, fidèle ami de Woody persuadé d’être un Ranger de la Star Command, venu défier Zurg. Mais qu’en est-il de son caractère, de ses répliques ? Lightyear vient poser toutes les particularités propres au personnage, jusqu’à une certaine mesure où l’on se demande si le personnage que l’on voit à l’écran n’est pas celui de Woody. En réalité, son parcours est l’équivalent du sien en tant que jouet sur les quatre films de la saga Toy Story. Angus MacLane rend compte de l’abnégation souvent problématique, qui lui est inhérente. A trop vouloir se prouver à lui-même qu’il peut réussir et changer les choses, Buzz oublie nécessairement ce qu’il se passe autour de lui. Tel Woody lorsqu’il voyait Andy comme son fils chéri, qu’il devait protéger, Buzz commet une erreur tout à fait semblable. Lightyear est un rappel que la saga Toy Story parle de parenté, plus qu’autre chose. Comment se défaire des siens, de ce que l’on a acquis de nos propres (oui) ancêtres ?
L’animation est fabuleuse, cela n’est même plus à douter tant les scènes s’enchaînent sur un rythme endiablé sans jamais perdre en qualité visuelle. On en vient parfois à se demander comment il est possible de rendre aussi vrai un chat-robot animé que nature. Le réalisateur distille beaucoup d’humour sur les 1h40 de film, pouvant faire penser aux passages les plus comiques de Toy Story 2. Malgré un manque évident de surprises sur le papier, il reste de belles prises de position du réalisateur, qui ira tenter le plot twist sur la faille temporelle et le voyage dans le temps vis-à-vis de Zurg. Cela est plutôt malin puisque l’idée globale correspond à la révélation, Buzz réfléchit sur le sens de ses actions et le rapport au temps qu’il entretient avec les autres. Est-il utile de rappeler que Michael Giacchino réussit toujours les musiques originales des films Pixar ? Toutes les sonorités du film correspondent à l’essence même des moments, à la fois épiques et minimalistes sans jamais recycler ce qu’il a pu faire auparavant. A l’image des séquences d’action et poursuites en tous genres, la bande originale est puissante sans jamais trop en faire.
Sans forcer l’émotion, MacLane se sert également des répliques cultes du personnage pour leur donner un sens tout particulier. Vers l’infini et l’au-delà est une expression d’aventure partagée avec sa meilleure amie Alisha Hawthorne, qu’il ne voit presque plus à mesure qu’il poursuit les tentatives de vitesse-lumière. Pendant que lui voyage, elle vieillit et finira indéniablement par mourir. Pourtant, sa conscience reste innée dans l’esprit de Buzz, et sur l’hilarant chat-robot Sox. L’amitié et l’amour ne meurent jamais et vivent dans cet au-delà, malgré la fuite du temps. Lightyear devient légende pour les qualités qu’on lui connait, et qu’il a acquise en partie grâce à la compagnie des autres. Ce sens de la bravoure collective à laquelle Buzz s’initie dans le film, rappelle les beaux moments de la bande de Toy Story, qui lui en apprennent beaucoup sur lui-même. Le récit d’apprentissage côtoie ainsi le film d’aventures, malgré une certaine précipitation sur l’enchaînement des événements. Certains clins d’œil font plaisir à voir, entre Star Wars et Star Trek.
Toy Story est un film qui a bercé mon enfance, et en partie initié au cinéma. Comme Andy devant Lightyear, j’ai rêvé grand et vu les au-delàs possibles du cinéma et de l’imagination. Sans dire que le film est parfait en tous points, bien loin de là, j’ai su y retrouver ce qui me plaisait enfant et me plait toujours autant dans les propositions Pixar. Cet équilibre juste entre le regard adulte, ici incarné par Hawthorne, et celui d’un enfant sur le point de grandir, Buzz. Nous avons tous été jouets, soldats de l’enfance. Nous voilà rangers de l’espace, à réfléchir le sens de nos actions sur le monde.
À retrouver ici : https://cestquoilecinema.fr/critique-buzz-leclair-un-au-dela/