Andy Muschietti livre un film à la hauteur des immenses attentes dont Ça faisait l’objet. On y retrouve l’essence du récit jouissif d’un dernier été entre copains ainsi que la profonde terreur qui l’habite.
En 1986, Stephen King sortait le roman le plus terrifiant de sa carrière : un clown monstrueux se faisant appeler Pennywise (Grippe-Sou) massacre des enfants en adoptant la forme de ce qui les effraie le plus. Après avoir dévoré leur âme, il se repaît de leur chair. Un groupe de sept enfants pré-adolescents décide de traquer Ça, et le tuer, coûte que coûte. 27 ans plus tard… est-il réellement mort ?
Il faut bien avouer que le téléfilm Il est revenu, seule adaptation jusqu’à lors, demeure malgré toute notre affection une bien piètre adaptation des années 90 : personnages mièvres, élagage sans pitié de l’histoire, peu de séquences réellement effrayantes (bon ok, la scène de la douche…) et surtout une difficulté à y retrouver l’âme du Club des Losers, ces sept enfants pas tout à fait prêts à poser un pied dans l’âge adulte.
Les adaptations médiocres des œuvres du King étant légion, c’est avec un immense soulagement que nous découvrons un film réussi. On y retrouve la patte d’Andy Muschietti (Mama), qui crée une terrifiante appréhension avant chaque apparition de Pennywise. La première demi-heure de film se révèle ainsi bien plus efficace que la grande majorité des franchises d’horreur qu’on retrouve sur grand écran depuis quelques années, et les plus sensibles pourront y gagner quelques cauchemars. Une poignée de jumpscares pourraient entacher l’ensemble, mais quand le cœur de l’histoire consiste en un monstre qui fait le plus peur possible à ses victimes, est-ce toujours vécu comme un artifice ?
Son autre grande réussite est d’avoir su recréer un groupe de gosses drôles, attachants, avec toute l’aspérité qu’on peut avoir à cet âge : une vulgarité de mise et de premiers émois amoureux. Leurs aventures ont une saveur de Strangers Things (en toute logique, puisque cette série s’inspire AUSSI de Stephen King) ; on y retrouve d’ailleurs Finn Wolfhard qui vole la vedette à Seth Green, “l’ancien” Richie Tozier. Les décors et l’ambiance sympathiquement rétro nous font plonger quelques décennies en arrière, et on se demande si la suite, avec un groupe d’adultes, parviendra à se hisser au même niveau.
Seuls, les inconditionnels du roman resteront sur leur faim, n’y retrouvant pas toute la richesse des personnages secondaires et (très) nombreuses apparitions de Pennywise. On n’y retrouve pas toute la dimension ésotérique, quasi-existentielle de Ça qui demeure un monstre assez terre-à-terre. Mais pour un film de 2h15, Ça s’en sort plus qu’honorablement, et parvient à refléter les fêlures d’enfants terrifiés avant tout par la perspective de devenir adultes. Un des films à ne pas manquer cette année.