Cette critique vient de quelqu'un qui s’énerve très rarement. L’argument principal du film est une vidéo intrusive. La montée d’une angoisse sourde, les doutes du principal protagoniste qui se communiquent au spectateur, la plongée dans les secrets refoulés de l’enfance, l’enquête dont on n’a pas toutes les clés font de Caché un film énigmatique porté par une réalisation d’un minimalisme revendiqué. Je ne spolierai pas la fin, vu qu'elle brouille encore plus les pistes. Faute d'avoir trouvé une conclusion satisfaisante, Haneke déclare avec cynisme qu'en fin de compte « le spectateur indifférent et passif devant les images dont on l'abreuve » doit se faire son idée par lui-même, dit autrement, il nous prend pour des cons.
J’avais des attentes particulières sur Caché suite à un article du magasine local qui annonçait la sortie prochaine d’un film qui se déroulait sur les lieux mêmes de ma commune. Le journal ajoutait qu’il fallait féliciter les risques pris par un réalisateur célèbre de filmer la banlieue comme décor au lieu de se contenter de filmer Paris comme ses confrères, ce qui démontrait un état d’esprit curieux et audacieux qui honorait Michael Haneke. Je rentre donc dans l’intrigue plein de confiance envers l’ « audacieux » Haneke que je ne connaissais pas du tout. Je prends en sympathie le personnage de Maurice Bénichou censé aider le principal protagoniste (Daniel Auteuil) et je retrouve la cité Gagarine de Romainville, lieu proche de chez moi à l'époque.
Et puis, sans préavis, Maurice Bénichou se tranche la gorge avec un couteau. En gros plan l’ hémoglobine gicle. Pour une pub pour Romainville, c'était plutôt raté ! J’hésite entre stopper le film ou continuer. Je poursuis, pour rien donc puisque l’énigme n’est pas résolue et que l’auteur des vidéos reste « caché ». Je m’aperçois alors que j’ai été manipulé et trompé depuis le début par le metteur en scène. Cinéaste reconnu par l’intelligentsia, voyageant dans les hôtels Hilton de la planète, Haneke ne connaît rien à la France, rien à la banlieue et se fourvoie dans les clichés les plus éculés sur la banlieue. Goût pour la violence gratuite, mise en scène de l’abject, histoire de vengeance tirée par les cheveux, pas besoin de critiquer Tarantino ou Park Chan Wook, on a pire en Europe, pire parce que c’est de la violence froide. J’ai appris par la suite que Haneke aimait se complaire dans la violence hyper-réaliste comme dans son Funny Games censé dénoncer les films d’horreur. Le procédé est vieux comme le cinéma. Pour montrer du porno sans être censuré, on dénonce le porno ; pareil pour la violence. Haneke nous montre ici des images insoutenables censées montrer le "retour du refoulé", la barbarie. Il joue alors au moralisateur et surfe sur les lieux communs. Ses messages cachés semblent les suivants: 1- non à la vidéosurveillance liberticide et 2 - les Français, n’oubliez pas votre responsabilité collective concernant la colonisation et les massacres en Algérie ! Mais reste donc en Autriche Haneke ! Ne nous donne surtout pas de leçons! Et n’essaie pas de nous contaminer avec ta propre culpabilité issue de ton passé !
Je trouve ce type de cinéma hyper-réaliste et sadique choquant, bien plus que les films d’horreur, dont l’impact des images est désamorcé par l’absence de caractère réaliste. Ce qui me gêne le plus c’est qu’Haneke a l’aval des intellectuels et d’une partie de la critique. C’est vraiment inquiétant pour notre société qui montre là son vrai visage caché, celui d'un attrait irrésistible pour l'hyper violence. [critique faite en 2016]