(Notule qui reprend en partie celle de Un papillon sur l' Epaule car les deux films ont été commentés ensemble).
En 1976, les mouvements dans le tiers monde, comme ceux de la mobilisation ouvriere dans les pays développés et ceux de la contestation étudiante partout sur la planète, commencent à décliner apres l’explosion de la fin des années 60 et des années 70-74.
Cet arrière-fond a presque toujours une forte présence dans les films des années 70 : il déstructure les normes et les repères narratifs ou explicatifs utilisés jusqu’alors au cinema, y compris de genre, qui se politise. On peut l'observer dans ces deux thrillers paranoïaques qui se suivent en 1976 et 1878 Cadavres Exquis de Francesco Rosi et Un papillon sur l’épaule, de Jacques Deray, qui sont souvent comparés, d'autant qu'ils ont le même grand acteur et le même bon scénariste, Tonino Guerra.
Cadavres exquis y ajoute une composante de film criminel classique (une série de meurtres par vengeance).
Lino Ventura est à son meilleur, alliant son personnage de ténébreux éthique et bougon à celui de citoyen inquiet puis apeuré et malgré tout combattif.
Ce film stimule notre intelligence émotionnelle, historique et cinématographique, et aussi l’affection que nous portons aux stars charismatiques comme Ventura.
De plus, le seul personnage féminin, une prostituée à la langue bien pendue, donne en quelques minutes au film un sex-appeal flamboyant.
En revanche, Un Papillon sur l' Epaule est un opus très déprimant. Encore plus que pour nous, spectateurs, le scénario semble être incompréhensible pour le personnage principal joué par Lino Ventura, qui est perdu du début a la fin dans un film trop lent - comme sont tous les films de Deray depuis Rififi a Tokyo, qui date de 1963.
Ici c’est Barcelone qui est la ville de référence mais Deray ne sait pas non plus nous intéresser aux villes, décors de ses intrigues, quoiqu'il lui tient à coeur de les filmer avec minutie, avec en fin de compte beaucoup de plans superflus.
Le seul personnage attachant et vraiment intrigant qu’on aurait voulu voir un peu plus - car les autres finissent par nous lasser - est celui qui est joué par Paul Crochet, celui qui parle à son "papillon sur l’épaule ». Cette hallucination délirante a une portée qui restera énigmatique dans ce film, lequel se veut quand même politiquement réaliste. Les deux femmes (Claudine Auger et Nicole Garcia) paraissent sans interêt pour Deray, pour le personnage de Lino Ventura et par suite pour nous aussi.
Peut-être que le film de Rosi bénéficie de l'apport supplémentaire de l'écrivain et scénariste Jean-Claude Carrière, exploitant le roman "Le Contexte" de Leonardo Sciascia,,tandis que celui de Deray nous plombe dans une histoire glauque, à l'ambiance de documentaire ennuyeux sur la capitale catalane. Et il arrive presque à faire perdre son charme à Lino, tandis que deux très belles femmes ont des rôles de potiches sur une étagère, alors qu'elles sont fort molestées.
(Notule de 2020 éditée en février 2025).