Pour la petite histoire, qui est mignonne et qui me rappelle des tas de souvenirs. J'avais beaucoup de plaisir à regarder le film. Il y a une scène où ils sont en train de manger. L'un regarde l'une des pensionnaires avec insistance, l'autre mange tranquillement. Ils sont à table, quelques paroles venant rompre un silence très fin, très bienveillant, il love ses proies avec plénitude. Et là, à cet instant précis, lors de cet élan qui m'a semblé significatif, je me rappelle mes cours de cinéma pendant le lycée. Je me rappelle ce cinéaste que j'avais, à l'époque, laissé de côté. Je me rappelle Ozu. Un plan notamment, un seul, qui m'avait marqué : ils mangent, sur une table très près du sol, et tous semblent heureux. Tous partagent une complicité. A partir de cet instant, ça m'a fait tilt et tout m'est revenu.
Il y a beaucoup de ce grand cinéaste dans le film dont le scénario ne peut être résumé tant il regorge de moments indéfinissables. Je vous laisserai seuls juges. Il ne s'y passe rien et tout à la fois. Hou Hsiao-Hsien arrive avec poésie et candeur à nous hypnotiser dans un Japon en quête de quiétude à l'arrêt, tous comme ses habitants, comme des brises calmes sur l'océan. Souvent de dos, les personnages sont proches et distants à la fois, esseulés ou livrés à eux-mêmes. Les nombreux plans-séquences ajoutent au réalisme une idée de profondeur et d'authenticité ; ils vivent, devant nous, et font saisir toute la beauté de la simplicité qui s'émanent des moments de vie du quotidien. Leur silence est un joyau, chaque mot du bout des lèvres un feu de tendresse.
Comme cette Yoko, qui découvre cet homme et sa passion pour le bruit des trains. Ces trains immuables, qui s'arrêtent, avancent, stagnent, se ferment et s'ouvrent, cette métaphore illuminée des âmes vagabondes en plein cœur d'un film vrai. Et c'est la force principale de Café Lumière : il montre le vrai avec un lyrisme paisible. La lenteur des plans n'agace jamais, elle baigne les personnages dans une mélancolie touchante. On capte chaque regard, chaque attention, comme des privilégiés. C'est une petite merveille de découverte et je la dois à deux éclaireurs, MarineDoDouce et Bauer, qui avec leur note m'ont permis de me lancer. Ce n'est pas vraiment une critique, c'est ce qui me passe par le cœur quand j’assiste à un petit chamboulement en moi.