Rémi Chayé les aime ces jeunes exploratrices rebelles ! Après avoir envoyé une jeune fille chercher son grand père au pôle nord dans Tout en haut du monde, il s'attaque maintenant aux grands espaces du continent américain et à l'enfance de celle qu'on connaitra ensuite sous le pseudonyme de Calamity Jane.
Encore une fois, les couleurs sont magnifiques. Entièrement constitué d'à-plats de couleurs pastels, le graphisme évite toute notion de réalisme pour mieux faire resplendir ses plans comme des tableaux. Ce sont les ciels calmes d'un jaune ocre ou d'un vert clair émaillés de nuages rouges ou bleus qui viennent faire éclater de manière tonitruante les territoires du nouveau monde, à la nature encore intacte avant l'arrivée des Hommes.
La caractéristique principale du style de Rémi Chayé est cette absence de contour. Comme une bande dessinée à laquelle on aurait retiré l'encrage, le dessin n'est délimité que par les substitutions de couleurs. Et justement, c'est bien d'effacement des frontières dont il est question dans Calamity. Franchissement d'espaces inconnus par des pionniers en destination de l'Oregon, arrêtés ni par les montagnes ni par les rivières et dont la ligne d'horizon plate ou montagneuse semble être leur seule limite, toujours à perte de vue.
Mais la frontière dont il est réellement question, c'est celle du genre. Si Martha Jane a du mal à comprendre la carte que lui a confié le soldat, elle a aussi du mal à déchiffrer sa position en tant que femme en devenir dans un environnement dirigé par les hommes. Dans un monde ou les femmes fortes s’appellent Madame Moustache et où une fille en vient à se travestir en fille (si !) pour ne pas être reconnue comment est-il possible de s'émanciper ? Il ne suffira pas de se déguiser en portant un pantalon ou en se coupant les cheveux, mais il faudra plutôt s'affirmer et faire ses preuves. C'est ce que propose Calamity dans sa seconde partie riche en rencontres et en expériences où tour à tour exploratrice, chercheuse d'or ou soldat, la jeune Martha Jane pourra enfin commencer à vivre l'aventure de sa propre vie.
En cela, même s'il est bien question de voyage et de découverte, Calamity est moins l'histoire de l'exploration du nouveau monde par les Hommes que de l'exploration du monde des hommes par une femme.