Est-ce qu'on peut avoir été touché par un film, l'avoir trouvé beau alors qu'il est très dérangeant sur de nombreux points ? C'est une question compliquée.
On peut commencer par parler de l'ambiance, de l'environnement, du décor. On suit la vie d'une riche famille cosmopolite américano-franco-italienne. C'est la description cliché d'une bourgeoisie ouverte sur le monde avec un très fort capital économique et surtout culturel. C'est vraiment problématique de mettre en avant cette élite comme un modèle attractif. Ce film renferme une idée de la hiérarchie sociale et une violence symbolique (sans doute inconsciente). Premier problème. On fait les intellectuels, comme si on savait tout sur tous les sujets, mais on ne se pose pas de question sur le fait d'avoir des domestiques, d'avoir été privilégié, de prendre l'avion à chaque vacances... C'est typique du 21e siècle, mettre en avant le modèle de l'élite éduquée ouverte sur le monde et cosmopolite.
Cela étant dit, le cadre du film est magnifique. Si on oublie les problèmes sociaux, c'est une Lombardie idyllique qu'on nous propose. On voit très peu la voiture, le vélo est mis en avant, tout comme les espaces naturels et l'architecture locale. On ne se retrouve pas dans le cliché de l'élite mobile et urbaine, ça c'est un bon point.
Même si c'est un style très bourgeois, je dois dire que leur garde-robe est magnifique, beaucoup de bon goût.
En outre j'aimerais attirer la question des inégalités de genre. Le film n'y manque pas, la femme fait la cuisine et l'homme a des discussions intellectuels. Une répartition bien cliché et bien dominatrice.
Il est maintenant temps d'aborder le cœur du sujet. Un adolescent de 17 ans avec un universitaire censé avoir 24 ans (en réalité les acteurs ont 10 ans de différence). Oui, c'est gênant. Il y a forcément un rapport de domination qui se crée. D'autant plus qu'on comprend que c'est la première relation gay d'Elio et qu'il est novice dans les relations amoureuses tout court. Le rapport de domination est évident. On a beau essayer de masquer ça par sa maturité et sa culture, ça ne change rien. C'est le gros gros problème du film. On retrouve parfois le rapport de domination des couples hétéronormés avec Elio qui incarne la fragilité et Oliver la stabilité.
Pourtant, alors que je pensais au fait que j'allais mettre une sale note à ce film sur sens critique, j'ai vraiment été touché par l'œuvre. Je ne peux m'empêcher d'être entré dans l'histoire, de m'être attaché aux personnages et de m'être mis à leur place. On a un Timothée Chalamet excellentissime. On ressent ce qu'il ressent. Il y a une vraie beauté dans leur romance, on ressent bien également la souffrance et la tourmente. Alors, ça m'arrive rarement, mais je suis un peu perdu entre un film qui m'a ému mais qui se fonde sur des valeurs nocives.