Bruno Dumont tourne pour la première fois avec une vedette. Sans doute le sujet l'exige-t-il car Dumont filme souvent en gros plans le visage sans fard, douloureux et larmoyant de Juliette Binoche pour restituer la souffrance de Camille Claudel, enfermée dans son asile et qui ne cesse de réclamer d'en sortir.
Le sujet est ténu, rassemblé dans les deux ou trois jours de 1915 qui précèdent une visite à sa soeur du pieux et mystique Paul Claudel, pas pour rien dans l'internement de Camille. Dumont n'évoque pas la vie ou l'art de la sculptrice. De Camille Claudel, on découvre essentiellement la paranoïa, son ressentiment à l'égard de Rodin et son exaspération d'être enfermée dans un cloître au milieu des soeurs et de malades mentales à l'évidence bien plus atteintes qu'elle.
Difficile de savoir ce qui a pu intéresser le cinéaste à travers cette approche étriquée, si ce n'est le sentiment d'abandon, de déréliction qui semble toucher souvent ses personnages d'un film à l'autre. La scène finale entre Paul et Camille est une entrevue entre un homme porté par la foi et une femme qui a tout perdu.
Malheureusement, en dépit de l'investissement de Juliette Binoche dans ce rôle âpre (un rôle à César? même pas), on n'est pas forcément retourné, touché, par son personnage. Ce qui est la condition expresse pour apprécier le film. Seul le dernier plan, sur le visage à demi-éclairé de l'actrice nous trouble, parce qu'il est bientôt accompagné d'un commentaire en surimpression mentionnant que Camille Claudel
ne quittera pas son asile avant sa mort, 29 ans plus tard...