Sans sa sélection à la Quinzaine des réalisateurs en 2019, difficile d'envisager un accès aux salles françaises pour ce film péruvien assez pointu, tourné en noir et blanc et dans un format 4:3, et racontant la sordide histoire d'une mère dont on vole le nourrisson. Dans ce cas comme dans beaucoup d'autres, le Festival de Cannes prouve sa vocation essentielle de passeur, toutes sections confondues.


Cancion sin nombre est donc d'une grande beauté formelle. Tourné dans un noir et blanc plutôt gris, au grain un peu épais qui rappelle plus Bela Tarr que le piqué incroyablement précis de Roma, le film enchante souvent par la symétrie de ses plans, la sourde poésie qui s'échappe des paysages désolés comme des tableaux urbains de la pauvreté quotidienne, sa mise en scène élégante, sa façon triste de donner à voir un écran presque noir dans lequel on distingue à peine une nuance ou la lueur d'une bougie.


Une fois dit la splendeur de l'expérience visuelle, il faut reconnaître que le reste laisse à désirer, même si le montage est assez alerte, les acteurs convaincants et l'histoire intéressante. C'est que le scénario peine à unifier les différentes histoires montrées (la maman désespérée, l'histoire d'amour du journaliste gay, son enquête parcellaire).


Au fur et à mesure que le film avance, il est de plus en plus évident que son horizon ultime est sa perfection formelle plus que tout autre chose : c'est sa limite.


http://www.christoblog.net/2020/06/cancion-sin-nombre.html

Christoblog
6
Écrit par

Créée

le 29 juin 2020

Critique lue 194 fois

1 j'aime

Christoblog

Écrit par

Critique lue 194 fois

1

D'autres avis sur Canción sin nombre

Canción sin nombre
D-Styx
6

L'esthétisme au service du drame social

Présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2019, voilà encore un film qui aura mis plus d’un an à trouver le chemin des salles obscures. Une sortie d’autant plus réjouissante que Canción sin nombre...

le 19 juin 2020

7 j'aime

Canción sin nombre
ChatonMarmot
3

...y sin inspiración.

Dès l'ouverture du film, on a de quoi être dubitatif. Un enchaînement de premières pages de quotidiens nous informe de la situation économique désastreuse du Pérou de 1988, encadrées par la forme...

le 30 juin 2020

6 j'aime

5

Canción sin nombre
Jduvi
8

Chanson triste

Les premières images, d'archives, plantent le décor : terrorisme, hyper inflation, crise politique. Manière de nous dire que le sort d'une pauvre jeune fille quechua à qui on a volé son enfant ne va...

le 25 juin 2020

3 j'aime

1

Du même critique

Megalopolis
Christoblog
9

Magnifique, démesuré et d'une vulgarité éclatante

A quelles conditions aimerez-vous Megalopolis ?Si vous aimez les films dont rien ne dépasse, cohérent de bout en bout, maîtrisé et de bon goût, alors n'allez pas voir le dernier Coppola.Si au...

le 24 sept. 2024

41 j'aime

8

Leto
Christoblog
4

Un film sûr de sa force, et un peu creux.

Leto est un bel objet, qui plaira aux esthètes, aux journalistes de rock, aux défenseurs de Kirill Serebrennikov (le réalisateur du film, persécuté par le pouvoir russe), aux fans d'Iggy Pop, aux...

le 7 déc. 2018

38 j'aime

8

Pacifiction - Tourment sur les îles
Christoblog
2

2h45 de vie volées à chaque spectateur par ce qui se rapproche le plus de la torture au cinéma

Mes plus anciens lecteurs savent la force de mon ressentiment envers Albert Serra, depuis une séance calamiteuse du Chant des oiseaux, durant laquelle j'ai cru mourir d'ennui.Mais n'étant pas...

le 18 nov. 2022

35 j'aime

8