Connaissez vous la gentrification ? Un processus par lequel la population d’un quartier populaire, souvent apparenté à un ghetto, se fait remplacer par une population plus aisée. Eh bien, Candyman, version 2021, en fait son porte-étendard. Prenez un artiste bobo afro-américain en manque d’inspiration, sa femme galeriste un peu déboussolée, une légende urbaine basée sur des violences policière, des meurtres plus ou moins inventifs, mélangez le tout et vous avez un film d’horreur qui gentrifie le genre.
Le film de Nia DaCosta, co-produit et co-écrit par Jordan Peele, réalisateur en vogue depuis la sortie de ses deux films consécutifs Get Out et Us, s’inscrit pleinement dans le film d’horreur "social". Mais là où son confrère Jordan Peel optait pour une approche grinçante, jouant sur le fil entre horreur et humour, Nia DaCosta opte pour une approche frontale, très premier degré, trop premier degré pour réellement convaincre le spectateur de sa sincérité. Car oui, Candyman est un film bouillonnant de rage envers une société profondément marquée par son racisme ambiant, et le boogeyman du film, traversant différentes époques, représente parfaitement la colère de la communauté afro-américaine, marquée récemment par le mouvement Black Lives Matter. Comment ne pas y voir un film opportuniste en manque de recul face à son propre sujet ? Si la cause semble noble, le film mise tout sur son aspect social, appuyant sur ce point avec bien trop d’insistance pour réellement viser juste.
Le pire étant que le film en oublie presque de faire peur. Il y a bien des scènes de meurtres trouvant de jolies idées de mise en scène ; un tueur n’apparaissant qu’au détour d’un poudrier de poche ; le body horror légèrement abordé par le film sans grande imagination ; ou encore la légende urbaine s’incarnant sous la forme de séquences animées en théâtre d’ombre. Mais même là, le film ne respecte pas ses idées de mise en scène, au point de devenir incohérent, comme si le propos du film, sans subtilité, en parasitait la forme.
Avec son postulat ancré dans l’air du temps, ce Candyman augurait du bon. Force est de constater que Nia DaCosta échoue tristement à mettre en exergue le difficile héritage afro-américain, comme a contrario pu le réussir la série Watchmen en 2019, avec elle aussi Yahya Abdul-Mateen II (protagoniste principal du film) dans le rôle-titre. Cette version donne surtout envie de (re)découvrir le film original réalisé par Bernard Rose en 1992.