Ça y est, l’alliance Marvel/Disney a ouvert la boîte de Pandore. L’heure est désormais aux multiverses ; concept selon lequel plusieurs univers parallèles au nôtre existent. Dans cet énième opus de Spider-Man, par un sort malencontreusement envoyé par le docteur Strange pour faire oublier à la population la véritable identité de notre ami l’araignée, une faille spatio-temporel fait émerger d’anciens antagonistes du héros dans son univers. Autant le dire, Marvel a franchi le point de non retour, offrant non pas un film mais une sorte d’attraction foraine où seul compte la création d’émotions artificielles.
Le point de départ du film ? Un prétexte : rameuter le plus de personnages possibles que le spectateur connaît depuis plusieurs années, et qui semblaient ne jamais pouvoir rentrer en contact avec cette variation de Spider-Man interprétée par Tom Holland. On salive, autant de personnages cultes réunit dans une bastonnade géante aux moyens quasi illimités, et cerise sur le gâteau, l’intervention des deux anciens interprètes de Spider Man, à savoir Tobey Maguire, et Andrew Garfield, deux figures familières et nostalgiques. Et là, la catastrophe s’enclenche, la dérision s’immisce, et la grande peur du MCU se dévoile, comme à chaque film, la peur du ridicule anéantit toute implication. On glisse une blague sur le docteur Octopus, puis on le réduit à un comic relief ; l’homme sable et le lézard deviennent deux hommes invisibles par leur absence d’implication ; electro et le bouffon vert s’en donnent à coeur joie, mais la pauvreté de l’iconographie de ces personnages vient rapidement posé des limites à la jouissance de ce sympathique rassemblement.
Derrière cette triste réunion de cadavres qu’on utilise comme des marionnettes, se trouve Jon Watts, réalisateur des deux précédentes aventures de l’homme araignée, Homecoming (2017) et Far From Home (2019). On est loin de l’époque où Sam Raimi nous livrait une trilogie émouvante, spectaculaire et avant tout humaine. Ici, le Spider Man interprété par Tobey Maguire, tout comme celui de Andrew Garfield, apparaît dans le décor d’une pauvre cuisine, sans aucune envergure ou même sans réel intérêt pour la narration du film. La bataille finale entre les trois Spider-Man se joue sur le chantier de la statue de la liberté, où un bouclier de Captain America vient remplacer symboliquement la flamme tenue par la statue. Les super-héros sont devenus l’essence des Etats Unis, ce n’est plus la liberté. Pourtant cette statue était peut être la meilleure analogie de Spider-Man, ce dernier peut être n’importe qui, comme l’on pouvait être n’importe qui en Amérique. Au final cette bataille, livrée par nos trois héros, ne met en avant qu’une seule chose : sans véritable auteur derrière la caméra, Spider-Man n’est rien ; le film n’est rien.
Il est d’autant plus triste, de terminer le film, et donc de clôturer une trilogie sur ce qui aurait dû être le début de cette saga : faire devenir Peter un adolescent lambda connaissant les mêmes galères que nous tous, et enfin marqué, on l’espère, par son traumatisme originel, la mort de son oncle (ici sa tante). Plus personne n’a souvenir que Peter est Spider-Man, et Peter n’est plus le Iron Man Jr. bourré de gadgets plus improbables les uns que les autres. En écrivant ses lignes, le thème de Spider Man composé par Danny Elfman me revient en tête et quelle déception de ne même pas avoir utilisé tout ce répertoire musical mis à disposition, qui aurait pu définir chacun des trois Spider Man. Quel goût amer reste en bouche. Le cinéma selon Marvel se résume donc à enchaîner caméo sur caméo pour attirer un spectateur qui ne marche plus qu’à grands coups de nostalgie. La mainmise de Disney sur tout un pan du cinéma de divertissement, et tout un pan du cinéma en général, n’augure rien de bon.