Un passionnant documentaire. Le genre en lui-même soulève toujours la question de l'angle d'approche : géographique, pédagogique, thématique... Parce qu'il est avant tout un portrait, Capitaine Thomas Sankara captive de la première à la dernière minute, les images d'archives qu'il fait dialoguer entre elles invitant à sympathiser avec les idées de cette figure politique. Luttant pour l'émancipation féminine, l'auto-suffisance alimentaire et la transparence électorale (il faut le voir proposer des élections à ciel ouvert et à main levée, permettant à chaque candidat de voir qui exactement a voté pour son programme !), Thomas Sankara possède d'entrée l'étoffe d'un personnage charismatique. On se retrouve même à espérer, malgré ou à cause de l'excellence de ce documentaire, qu'un biopic fictionnel voie le jour à son sujet tant ses accointances avec divers chefs d'État, de François Miterrand à Mouammar Kadhafi, pavent la voie d'un scénario complexe.
Faire tenir les ambitions d'une telle personnalité sur 90 minutes est une gageure, mais la courte durée de son mandat (d'août 1983 à octobre 1987) inspire à Christophe Cupelin un montage toujours stimulant, les anecdotes amusées y croisant les accomplissements concrets du président. Si sa volonté de faire reculer l'illétrisme porta ses fruits, on n'ose ainsi imaginer les résultats obtenus sans l'organisation de son assassinant. Assumant son point de vue, le réalisateur n'élude pas l'aura dégagée par Thomas Sankara, ni la place centrale qu'il accordait à un peuple dont il a su gagner la confiance par sa proximité. Il renomma d'ailleurs la Haute-Volta, nom hérité du colonialisme, au profit du fédérateur Burkina Faso, soit le « Pays des hommes intègres ». Sans en faire un personnage irréprochable, le réalisateur met en avant l'intransigeance du capitaine, démontrant par l'exemple comment il a pu payer le prix de sa droiture idéologique.
Informatif, parfois très drôle et toujours captivant, Capitaine Thomas Sankara est l'un des meilleurs films de cette fin d'année : que les caprices de la distribution ne vous empêchent pas de vous ruer dans les salles où il est projeté. Reste, néanmoins, à le prendre avec des pincettes, le doc véhiculant une image hyper positive du personnage. Pour la nuance et la remise en question, c'est au public de faire ses recherches, ce qui n'enlève pas l'envie de faire connaître l'histoire de Sankara.