Cette année, les héros n’arrivent décidément pas à se mettre d’accord. Après Batman qui a mis des coups de tatane à Superman dans l’univers DC, voici Iron Man qui vient chercher des noises à Captain America. Adaptation attendue de longue date, Civil War prenait un grand risque en puisant dans un arc connu et reconnu. Mais les frères Russo ont eu les épaules assez solides pour nous livrer un produit d’une grande qualité. Car Civil War avait une lourde mission : introduire la phase 3 du Marvel Cinematic Universe, préparer le terrain pour Avengers 3 et surtout nous offrir un combat de haute volée entre la Team Captain et la Team Iron Man. Mission accomplie pour les deux réalisateurs qui arrivent à créer une alchimie entre toutes ces contraintes. Comment ? Tout simplement en imposant un rythme d’enfer, ne laissant pas le spectateur s’ennuyer une seule seconde...
Les Avengers sont incontrôlables, et même au service du bien dans le monde, ils occasionnent des dommages collatéraux inestimables, en fauchant accidentellement la vie de milliers d’humains, lors de leurs combats titanesques avec les bad guys, toujours peu soucieux quand il s’agit de détruire du building. On se souvient de la séquence ahurissante du premier Avengers à New York, qui était à l’image du Man of Steel de Snyder, impressionnante : on y cassait du Manhattan sans se soucier de la population locale, forcément prise au piège dans les décombres mortels. Il était temps pour les héros de Stan Lee de payer le lourd tribut des pertes humaines en acceptant d’œuvrer sous la tutelle de l’ONU. On aurait pu penser que Captain America serait pour des règles strictes alors qu’Iron Man serait plus réticent face à l’autorité : mais c'est le parti inverse qui a été choisi (qui est d’ailleurs celui de la série de comics). Calmé, Iron Man ressent le besoin d’être contrôlé quand les activités des Avengers provoquent des morts de civils innocents. Captain America, lui, est un ancien soldat qui a appris à se méfier de l’autorité. Il estime que les justiciers sont les mieux placés pour prendre des décisions et refuse de se laisser diriger : le clash entre les deux est passionnant...
Civil War, c’est avant tout une bataille entre deux conceptions du monde, celle d’Iron Man et celle du Captain, avec un complot de Zemo (Daniel Brühl parfait et tout en retenue) derrière tout ça, qui profite des antécédents du Winter Soldier (Bucky, personnage à part entière ici) pour semer la discorde chez nos héros déjà bien tendus. Un affrontement parfois verbeux qui remet en cause même l’existence des Avengers. Au lieu de nous servir tout de suite une baston violente, les Russo prennent le temps de poser les enjeux, nous montrent les deux héros tentant de désamorcer une situation qui devient plus complexe au fil des minutes. Ils font jouer leur amitié, leurs sentiments. Même au pied du mur, nos deux héros tentent de dialoguer entre deux scènes d’action survoltées, et le spectateur attendant de la baston se surprend à vouloir une issue pacifique. Désormais divisés entre les récalcitrants qui se refusent à opérer sous l’autorité arbitraire de Nations Unies (la Team Captain America) et ceux, rongés par le remord, prêt à courber l’échine pour se racheter (la Team Iron Man), les Avengers se désunissent dans la plus grande loyauté envers leur conviction, fidèles à eux-mêmes et à leurs idéaux...
Civil War est l’occasion de préparer le terrain pour la phase 3. Si les personnages récents prennent de plus en plus d’importance (Scarlet Witch, Vision), le film introduit également de nouveaux héros : Black Panther, incarné par un Chadwick Boseman de haute volée, véritable électron libre dans le film, et un certain Spider-Man. Son cas se montrait épineux. Marvel avait la lourde tâche de créer une nouvelle version de Peter Parker, incarnée par Tom Holland, qui en plus de nous préparer à son film solo, devait se glisser parfaitement dans ce MCU tout en faisant oublier aux spectateurs les anciens films. Les Russo n’avaient pas le droit à l’erreur sur ce coup, et ils n’en n’ont fait aucune. L’introduction de Spidey est le passage le mieux écrit de tous les films Marvel, les Russo nous livrant un immense moment qui ravira aussi bien les fans que les profanes. En quelques minutes seulement, le Spider-Man édition MCU enterre les deux précédentes incarnations de Sony Pictures...
Bien sûr, l'échelle du spectacle atteint ici des proportions démesurées, soulignées par la taille changeante d'Ant-Man. Sur deux heures trente, le long-métrage accumule ainsi une demi-douzaine de morceaux de bravoure. Toutes proportions gardées, ces séquences convoquent tantôt le cinéma de Michael Mann ou de Paul Greengrass (voir cette poursuite tendue à travers un tunnel autoroutier, ou la violente évasion de Bucky dans une cage d'escalier), tantôt la virtuosité chorégraphique d'un Sam Raimi (exploitant à merveille les capacités d'Ant-Man, Spider-Man et Black Panther, la scène de l'aéroport est à ce jour ce que Marvel a produit de mieux dans le genre). Si l’on ajoute la belle perspective sur un Civil War 2, on se dit que les frères Russo ont eu tout bon et méritent bien de rempiler. Quand on sait qu'ils seront à la réalisation d’Avengers Inifinity War, part 1 et 2, on est tout de suite rassuré !!!