Avec The First Avenger, Marvel Studios avait brillamment dépoussiéré la figure de Captain America. En le crédibilisant et le débarrassant de son aura patriotique lui collant à la peau, n'exsudant plus que de pseudos critiques qui s'entêtaient mordicus dans la dénonciation de la vilaine Americana pas bien.
En portant avant tout à l'écran les valeurs de justice d'un personnage foncièrement honnête et pur dans un film aux accents d'aventures tout spielbergiens, on pouvait se demander comment le sortir de son carcan historique, challenge que l'enthousiasmant Avengers avait réussi à relever haut la main.
Avec Le Soldat de l'Hiver, la première mission des frères Anthony et Joe Russo, nouveaux venus au sein du Marvel Cinematic Universe, était donc de passer après Joe Johnston et Joss Whedon qui ont fait évoluer respectivement Cap au sein d'un film de guerre et d'un généreux spectacle choral.
De quoi peut être redouter la redite, voire une certaine forme de timidité, en sous exploitant le matériau et en se reposant sur les acquis des films précédents.
Sauf que Le Soldat de l'Hiver porte sur son Captain America un regard singulier au cinéma. Comme pour prendre au mot toutes ces critiques qui déplorent unanimement des adaptations comics que l'on ne peut envisager sans une dose de fun et des touches d'humour parfois un peu lourdes.
Les Russo Bros. porteront donc à l'écran un scénario que l'on croirait tiré de la période Brubaker / Epting du personnage, faisant de Cap un homme hors du temps qui interroge la politique américaine et les valeurs qu'elle défend, et surtout, le prix à payer en terme de foi, d'allégeance et d'intégrité. Tout en conférant dans cet épisode au Captain une aura iconique.
Captain America : Le Soldat de l'Hiver, même s'il fait intervenir toute la mythologie du premier avenger, s'écarte donc assez nettement du film de super héros traditionnel. Surtout en allant braconner des films noirs paranoïaques et d'espionnage qui fleurent bon les années soixante-dix. Soit un film terre-à-terre, où le complot s'avère tentaculaire et infiltre toutes les strates d'une agence censée défendre une liberté en dérivant dangereusement vers le préventif (coucou Minority Report) et le tout sécuritaire.
Toutes proportions gardées, bien sûr, les souvenirs de films tels que Les Trois Jours du Condor ou Un Crime dans la Tête pourront revenir en mémoire lors de la projection, qui n'aura de cesse, dans une atmosphère tendue et sèche, de faire cavaler Cap à la recherche de la vérité en compagnie d'une Black Widow qui semble installer une drôle de relation ambiguë entre ces deux là. Tandis que l'oeuvre se teinte de quelque amertume en faisant comprendre que les aspirations et le sacrifice de Cap n'ont pas servi à grand chose au regard de la marche d'un monde moderne qu'il ne comprend pas.
Tout concourt à faire de ce nouveau Captain America un film à la personnalité forte et atypique au sein du Marvel Cinematic Universe, que seul le quota d'action syndical viendra en quelque sorte « normaliser », rappelant le cahier des charges du genre.
Une action peut être un peu trop découpée lors des affrontements rapprochés, mais que ce soit à mains nues, à l'occasion de la séquence de l'ascenceur, en voiture, en pleine poursuite survoltée, ou lorsque des gunfights rappelant Heat quand ils font tomber les douilles, elle s'avère de qualité et immersive, en mode surmultipliée à même d'en mettre plein la vue au spectateur.
Enfin, l'introduction des nouveaux personnages est une vrai réussite : Falcon n'aura jamais été meilleur et décisif qu'en 2014, offrant des envolées trépidantes et musclées, tandis que le Winter Soldier est entouré d'un charisme et d'une aura de mystère qui séduit immédiatement, suintant l'efficacité et la force brute.
La réussite est donc presque totale, d'autant plus que l'humour habituel chez Marvel est mis en sourdine sur la presque totalité du métrage, imposant le film comme le plus sérieux de l'univers partagé.
Mais cela n'aura quand même pas suffi puisque la distinguée critique, en son temps, reprocha quand même à ce Soldat de l'Hiver... De se prendre trop au sérieux, avouant rester perplexe devant une telle absence de second degré...
De tels « professionnels » devraient parfois s'abstenir, surtout quand il s'agit de tirer à blanc. A moins qu'ils ne se soient tout simplement trompés de métier, comme dirait la charmante Natasha ?
La question mérite au moins d'être posée.
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