Chacun ses voyous. Certains entubent Wall Street d'autres arnaquent l'Union Européenne. Chacun ses goûts.
Olivier Marchal s'inspire ici d'une arnaque qui s'est réellement passée, une escroquerie à la TVA sur les quotas de carbone, entre 2008 et 2009. Un symptôme de la bureaucratie européenne. En effet, le quota de carbone avait été instauré afin d'empêcher les abus des gros pollueurs et de favoriser les entreprises responsables. Seulement voilà, on pouvait revendre, si on était une entreprise propre, sa part à une entreprise qui ne l'était pas. Et, comme, il n'y a pas d'harmonisation de la TVA à l'échelle européenne, les prélèvements variaient d'un pays à l'autre, permettant des abus, des excès, des magouilles, des arnaques et juteux bénéfices pour les petits malins qui en profitaient. Un vrai sacerdoce, une vraie vocation que celle de voleur à l'impôt. Au nom du fisc, amen.
Sur le papier ça ressemble plus à une guerre entre juristes et comptables, des combines techniques, des calculs d'épiciers, mais dans les faits cela s'apparentait à du grand banditisme. La fraude réelle est estimée entre 5 et 10 milliards d'euros. Pas de la menue monnaie donc. Plus encore, derrière les chiffres, il y a des règlements de compte, des trafics de drogue, de la corruption d'agents publics de l'Etat (affaire Neyret). Tout ça s'est soldé par la condamnation en France de plusieurs personnes, à des peines souvent lourdes et à la fin de la TVA sur les quota carbone.
Olivier Marchal, ex-flic, spécialiste du film de genre policier profite ici de l'affaire pour décrire le basculement d'un chef d'entreprise dans le grand banditisme et installer une ambiance poisseuse et malsaine comme il aime, rutillante aussi, à l'américaine. L'argent semble couler à flot, avec une facilité à donner le vertige et les voitures de luxe qui crissent dans les beaux quartiers de la capitale, entre les pokers et les strip teaseuses. Paris est ici Las Vegas, hôtels de luxes, clubs friqués, beaux quartiers. Mais c'est la fréquentation de milieux interlopes, peuplés de petits minables sans envergures ou de dangereux criminels, monde de la nuit vivant en parallèle du nôtre. La combine est si facile, présentée par un Mickael Young convaincant dans le rôle du comptable verreux mais qui sait aussi dans quoi il s'embarque. A l'inverse, Antoine Roca, le chef d'entreprise est si fragile, si desespéré, si sanguin, incarné par Benoit Maginel. Entourés de deux frères crapuleux et débiles rencontrés au poker, des juifs du sentier où transit de l'argent sale dont la mère est la tête pensante (Dani) , la magouille prend des allures de course despesperée avec les autorités et les bandes rivales.
En parallèle de l'intrigue policière se joue aussi un drame familial, entre Magimel et sa belle famille où l'imposant Depardieu, impeccable comme toujours, en riche homme d'affaires juif du Sentier règne en maître et met des bâtons dans les roues de son gendre, qu'il déteste. Les deux époux ont un fils, témoin de disputes terribles (une scène assez forte notamment au début du film) et de rivalités sans bornes. La nouvelle copine de Magimel (Laura Smet) devenant l'objet de la jalousie de l'ex femme, déchue et détestable (Carole Brana).
On prend même pitié pour le personnage de Magimel qui est pourtant une belle ordure, sans scrupule, c'est le comble, tant il est entouré par une belle famille et des fréquentations plus odieuses que lui. On assiste aussi au jeu entre l'Etat et ses voyous, jeu de dupes, de délation, d'arrangements et de corruption. On regarde comment les réseaux de blanchiments d'argent, de trafic en tout genre, s'organisent, dans un système mondialié dont l'Union Européenne est l'un des coeurs les plus fructueux.
La réalisation, l'intrigue, crapuleuse et rocambolesque font inévitablement penser au Loup de Wall Street de Scorcese, pendant français du film américain, sans jamais en atteindre l'envergure. Ce n'est pas la même cour de récréation. Restent quelques invraisemblances : un amas extrêmement rapide d'argent sans explications précises, des facilités et des raccourcis pour servir l'intrigue. Plus encore la dimension sociale ou politique du film passe souvent à la trappe pour de l'action décrivant un processus de gain d'argent pour l'argent. Ajoutons quelques scènes assez bonnes ( la dispute du début, la scène avec la mère de Roca, la scène du restaurant où un des arnaqueurs, cocaïnomane, perd pied) et une bande son avec des extraits de Orelsan et on obtient un film aux allures de jungle urbaine peuplée de loups affamés.
Reste que Maastricht c'est quand même pas Wall Street.