On pourrait au départ penser l'exercice laborieux.
En effet le théâtre transposé au cinéma, même s'il fait souvent des merveilles (le brillant huit-clos de Lumet en guise d'exemple le plus pertinent), semble toujours délicat.
Mais à l'idée de voir se confronter d'aussi grands acteurs, tous différents, sous la caméra de Polanski, on ne peut être qu'alléché.
Ce qui frappe dés l'ouverture, c'est la promiscuité. Dans ce huit-clos ébouriffant, Polanski ne permet à ses acteurs que de très rares sorties de ce salon où ils verront se déchirer leur couple. Et on sent pourtant l'envie de s'enfuir de cette prison. A de nombreuses reprises, et cet élément quasi insupportable rajoute à l'effet claustrophobe, le couple formé par Winslet et Waltz se décide à quitter l'appartement de celui formé par Foster et Reilly. Mais un rebondissement, une remarque de travers va les faire sans cesse retourner sur les lieux du carnage.
Même si l'on peut penser, pour ce genre de film, qu'une mise en scène n'est pas très utile tant le travail des dialogues et d'interprétation doit être soigné, Polanski prouve le contraire.
Sa caméra est d'une justesse totale, parfois déstabilisante, mais toujours juste.
Mais le quatuor d'acteurs reste l'élément qui donne à ce film toute sa puissance.
Ces quatre acteurs, (volontairement ?) tous différents (un américain, une canadienne, une anglaise, un autrichien) interprètent avec une justesse déconcertante, parfois troublante, leur rôles de parents, tous plus détestables que les autres, et pourtant si proches de la réalité, et donne au texte de Yasmina Reza une dimension cynique et incontrôlable.
Si la fin laisse déconcerté, elle n'en est que plus géniale, parfaitement représentative de notre société, et ajoute une cerise à ce gâteau au cyanure.
Du grand théâtre. Du grand cinéma.

Charles Dubois

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