Carré 35, un titre déconcertant pour un documentaire intense qui sonde le passé d’une famille : celle d’Eric Caravaca, son réalisateur. Découvert en 1999 dans C’est quoi la vie ? de François Dupeyron, auquel il dédie son nouveau film, cet acteur discret n’en est pas à son coup d’essai derrière la caméra ; il y a un peu plus de dix ans, il nous livrait Le Passager, film de fiction déjà hanté par l’absence. Cette fois, c’est à un voyage au sein de sa propre famille qu’il nous convie, où plane l’ombre des non-dits. Ce besoin de savoir, d’entreprendre cette quête aux allures psychanalytiques, il l’a ressenti de manière claire il n’y a pas si longtemps : alors qu’il était en Suisse, au milieu de tombes d’enfants, une profonde tristesse l’a envahi sans qu’il n’en comprenne la raison. Carré 35 est né ce jour-là.


Une enquête-cathartis


Carré 35, c’est le coin du cimetière français de Casablanca où est enterrée sa sœur aînée, décédée avant sa naissance et celle de son frère. Cette sœur, ils n’en ont jamais entendu parler. Ils n’ont jamais vu sa photo. Ils n’ont même jamais entendu leurs parents prononcer son prénom : Christine. C’est cette absente qu’Eric Caravaca a voulu faire sortir de l’ombre dans ce documentaire poignant.


Pour ce faire, il a endossé le costume de l’enquêteur parti à la recherche d’une enfant disparue. Où a-t-elle vécu ? Qui a-t-elle rencontré ? Qu’a-t-il bien pu se passer le jour de sa mort ? D’allers-retours au Maroc en échanges avec les témoins principaux, il tente de démêler les fils d’une histoire familiale plus complexe qu’il n’y paraît. Son père, qui meurt pendant le tournage, répond de manière évasive, déjà loin. Sa mère, femme forte à la personnalité ambiguë, est enfermée dans le déni et ne peut briser le silence dont elle est prisonnière. Le réalisateur a beau, durant plusieurs face-à-face bouleversants, essayer d’ébrécher doucement la carapace du secret, il se heurte sans fin au refus de cette femme blessée. Mais la vérité filtre, de-ci de-là. Certaines informations s’échappent, comme la « maladie bleue » de sa sœur, qui permettent à Eric Caravaca d’avancer, avec une douceur infinie, dans sa quête. Loin du voyeurisme ou du règlement de compte familial, Carré 35 présente le dévoilement pudique d’une vérité, de la vérité d’une famille qui a souffert à force de secrets trop bien gardés.


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le 9 févr. 2018

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