Il y a des jours où même sans aucun espoir dans le dernier Ridley Scott qui fleure bon le navet saumâtre on est content d’aller se faire une toile, juste pour l’ambiance, la longue promenade par le parc un après-midi d’automne, le léger crachin qui réveille l’odeur des feuilles en décomposition, l’attente devant la porte le bouquin à la main, la certitude d’être à peu près seul dans la salle miteuse du cinéma qui ne l’est pas moins, les souvenirs lointains des mercredis buissonniers de l’enfance, l’amour préventif des bandes annonces à découvrir bien calé au creux de son fauteuil rouge, la sortie nocturne dans un état second, tout ce qui fait qu’on pardonne d’avance presque les pires défauts du film à venir…
Et puis en fait, on se rend vite compte que les rangées sont tellement rapprochées que la séance risque de ressembler à une sieste de fakir, on se souvient que les bandes annonces moisies ont déjà été vues dix fois et on découvre subjugué que les publicités peuvent aller tous les jours un peu plus loin…
A la limite, les huit pubs de parfum, je m’en cogne, je ne comprends pas par contre celle de dix minutes qui nous raconte sournoisement que le parfum de Marilyn mondialement connu est limite un secret jalousement gardé par un complot diabolique, enregistrement à l’appui, mais bon, finalement, ce n’est pas la pire, il y a plein de pubs pour la TV là-dedans, avec toutes les raisons du monde pour lesquelles je n’ai plus cette chose chez moi depuis longtemps et que je privilégie justement le cinéma, c’est malin… Ah, tiens, une pub pour une pièce de boulevard maintenant, c’est une blague ? Pourquoi pas une pub pour le PSG tant qu’on y est ? Ca tombe bien d’ailleurs, il y a aussi, c’est juste entre la pub débile anti-tabac qui conseille scandaleusement de faire chier les gens en allumant son téléphone portable au cinéma et la pub débile pour quelque chose que je n’ai pas compris avec un portable aussi qui bouscule une dame avec un gâteau sans daigner s’excuser… Vingt-cinq minutes, j’ai chronométré, vingt-cinq minutes… pas une seule bande annonce potable, juste un truc grotesque et caricatural sur les mathématiques, le pire film franchouillard du monde avec une handicapée mentale et un film avec Keira Knightley qui pousse le vice jusqu’à nous montrer exclusivement la tête de Pine qui doit pourtant intéresser beaucoup moins de monde… A un moment c’est trop, le peu de forces que j’avais disparait pendant ces vingt-cinq minutes, le dernier message audio pour prévenir d’éteindre son portable au volant m’achève, j’ai envie de me tuer, j’ai déjà le dos en vrac et le film n’a pas encore commencé…
Ce dernier, comme prévu, est minable au possible, même si Scott sait toujours filmer, qu’il soigne sa photographie et que ça semble exceptionnel par les temps qui courent, y’a pas, une bonne histoire c’est mieux, ne pas accumuler les dialogues ineptes aussi, le glauque gratuit ça épuise, les fantaisies capillaires de Brad et Javier deviennent vite pénibles et c’était bien la peine de ressusciter Rosie Perez pour ça…
Du coup, ça donne envie de laisser tomber toutes ces salles contemporaines moisies exploitées par les pires individus imaginables et de retourner dans les cinoches de reprises, avec les vieux ronchons incontinents et leurs habitudes de névropathes, avec les projectionnistes ivres incapables de faire la mise au point et les bobines qui cassent au milieu, avec les serviettes de cuisine douteusement humides dans les toilettes et les ouvreuses acariâtres payées au pourboire comme au bon vieux temps d’avant le droit du travail…
Ou alors, je vais rester au fond de mon lit avec un bon livre.