Oued Side Story
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"As time goes by" est la chanson créée dans les années 30 qui rencontre dans "Casablanca" le succès qu'elle n'avait peut-être jamais vraiment eu auparavant. Elle en devient l'âme du film. Le lien mystérieux entre Bogart et Ingrid Bergman. Parce que "les valeurs fondamentales demeurent, au fil du temps" (*) …
Je ne compte plus le nombre de fois que j'ai pu voir ce film dans lequel, aujourd'hui, je prends mon temps en patience pour atteindre les différents points clés (sublimes ou terribles) du film. Et je suis toujours stupéfait de lire ou d'apprendre les difficultés du tournage, du scénario qui évoluait chaque jour, dont personne n'avait l'idée de la fin avant de la tourner. Stupéfait, car je trouve que ce film est justement techniquement réussi et pas loin d'être parfait.
Il y a l'histoire d'amour entre les trois personnages, certes. Mais il y a plusieurs autres lectures liées au contexte. Les USA ont rejoint la 2ème guerre mondiale le 11 décembre 1941 mettant le pays sous pression. Les américains prennent conscience que de nombreuses personnes cherchent désespérément à fuir l'Europe et que Casablanca est une des portes possibles. Casablanca en 1942 est dans ce qu'on appelle encore la France libre mais sous étroite surveillance des nazis qui y sont présents. On est à un moment où les choix sont encore possibles : rejoindre la Résistance ou se soumettre au 3ème Reich. La fin est sans ambiguïté à ce niveau.
Spoiler : Paul Henreid et Ingrid Bergman parviennent à quitter Casablanca pour continuer la lutte à Londres ou ailleurs. Humphrey Bogart et Claude Rains choisissent le camp de la Résistance à Casablanca.
D'entrée, le ton est donné où on comprend qui est le véritable maître dans Casablanca entre le major Streisser et l'administration pétainiste avec l'affiche devant laquelle un homme est abattu (Je tiens mes promesses et même celle des autres - Philippe Petain)
Humphrey Bogart est impérial dans ce film où il arbore un smoking blanc impeccable dans son rôle du patron du "café américain" où il affiche un cynisme et une apparente neutralité dans ce bourbier politique. Avec certaines répliques mythiques comme celles où il avoue être venu à Casablanca prendre les eaux pour sa santé et avoir mal été renseigné car la ville est entourée de déserts. On est loin de l'habituelle dégaine grise du détective privé désabusé …
Paul Henreid, qui est d'origine autrichienne et joue le rôle d'un homme tchèque, symbole de la Résistance aux nazis, est excellent dans le personnage droit et franc qui ne vit plus que pour son combat.
Mais Bogart et Henreid ne sont plus rien, s'effacent lorsque Ingrid Bergman apparait. Rayonnante et fragile, élégante et sublime lorsque ressort la "vieille" histoire entre elle et Bogart à Paris juste avant l'Occupation. Le scénario est superbement ficelé car on ne saura pas qui elle aime vraiment de Bogart ou d'Henreid, ni même si elle en aime un des deux. Son visage, son regard embué de larmes sont sublimes et inoubliables …
Mais la distribution comporte plusieurs autres personnages comme Peter Lorre en petite crapule qui profite de la détresse des réfugiés.
C'est comme Claude Rains en chef de la police qui aime bien qu'on lui graisse la patte et dont les tarifs sont plus élevés que ceux de Peter Lorre. Obligé de courtiser les nazis, il sait aussi s'en affranchir, sentir la direction du vent et comprendre où se trouve son avenir.
Il y a aussi Sydney Greenstreet, second rôle bien connu à Hollywood, ici dans le rôle d'un patron du milieu local. Ou encore, le truculent professeur réfugié qui joue les serveurs du "café américain" (SZ Sakall)
Et je voudrais surtout finir par le rôle de Sam, le pianiste de jazz, trait d'union entre Bogart et Bergman, ami indissociable de Bogart, interprété par Dooley Wilson qui nous fait revenir à "As time goes by" …
Un très grand film qui égrène des scènes magnifiques comme "la marseillaise" entonnée par les clients pour faire taire les chants allemands ou des scènes très émouvantes comme le flash-back que Bogart traine comme un boulet dans sa tête.
En outre, je recommande de voir le film en VO car j'y préfère les voix de Bergman et de Bogart et qui apporte beaucoup plus de nuances sur les accents français notamment.
(*) The fundamentals things apply
As time goes by.
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Créée
le 17 nov. 2024
Critique lue 27 fois
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