Scorsese à son grand Midi
Il y a dans dans les thématiques scorcesiennes une constante, qui n'a cessé de prendre forme de différentes manières de « Taxi driver » à « Aviator » : il s'agit de la machine génératrice et dévoreuse des ambitions humaines, celle qui permet aussi bien l'ascension (chez les médias comme chez les gangsters - la différence reste faible chez Scorsese) que la déchéance, à la fois implacable et dangereusement déréglée et fonctionnant à l'argent et aux passions.
Cette machine qui a fait de Ray Liotta un malfrat (puis un "plouc") dans « Goodfellas » prend enfin forme dans « Casino » ; c'est le casino, justement. Vaste empire du matérialisme et des vanités humaines, dieu ultime régissant la vie de ceux qui s'y adonnent, il est aussi le « cadre-synthèse » de l'œuvre du cinéaste ; des destins s'y rencontrent et s'y entrechoquent, y chutent, y explosent. Pour porter tout cela à l'écran, Scorsese n'a jamais été inspiré ; construisant son récit comme un virevoltant maelström, il enchaîne les fulgurances, les coups d'éclats, les explosions rythmiques qui, ajoutés les uns aux autres, forment un film totalement furieux d'une énergie inépuisable. Sans aucun doute possible le grand chef-d'œuvre de son auteur, condensé intense de tout son art, et magistrale leçon de mise en scène, de montage, de direction d'acteurs, de cinéma.