Avec «Céline», Brisseau quitte pour la première fois l'asphalte des cités et la violence des quartiers, et vient se poster à Saacy-sur-Marne, petit village de campagne, pour laisser libre cours à son désir de spiritisme. Si ce dernier ne prenait place dans sa filmographie antérieure que sous la forme d'apparitions subites et rares, il se déploie enfin pour occuper une grande partie de cette nouvelle réalisation. Mais par-delà les séquences troublantes de lévitation et d'ubiquité, «Céline» marque par la beauté presque sans limite de ce qu'il laisse percevoir. Constamment baignée dans une aura de lumières rases, accompagnée avec retenue d'une composition de Delerue, l’œuvre semble toucher du doigt ce que son réalisateur cherchait à montrer.

«Céline», c'est comme si la nature toute entière, le temps et l'espace laissaient s'échapper librement tout ce qu'ils contiendraient de surnaturel. Sans aucun jugement de valeur et sans chercher à comprendre, tout les personnages - du simple vieillard figurant à la sublime Lisa Heredia – semblent visiter ce clos où vivent les deux jeunes femmes et y admirer la vie comme on admirerait un tableau impressionniste, avant de le quitter comme on sortirait d'une sourde rêverie.

Le personnage de Céline emporte avec lui son lot de mystères et ses craintes, les étouffant par un recueillement salvateur et une dévotion totale dans un couvent éloigné. Geneviève soigne avec application et méthode les maladies du corps, sans toutefois pouvoir lutter contre ses soucis personnels. «Céline» est donc l'histoire d'une rencontre hasardeuse, forcée mais nécessaire entre deux femmes au passé difficile, mais également entre une puissance supérieure et deux êtres en perdition. Comme une hymne aux croyances diverses, l’œuvre interroge sur les coïncidences et les miracles sans prôner leur existence ni les refuser en bloc.

Ici, les thématiques de l'auteur semblent prendre plus de volume que dans «La fille de nulle part», lequel se révèle être une transposition actualisée en plein Paris entre deux générations et deux sexes que tout semblait opposer.
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le 27 avr. 2013

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