Sacrée prouesse que cette plongée dans les bas-fonds du monde numérique, omniprésent à notre quotidien, et malheureusement presque indissociable à notre identité et à l'image qu'on renvoie. Ce drame est très bien ficelé, décryptant succinctement la réalité où nait une passion profonde et le virtuel, faussé et sans échappatoire possible. Ou serait-ce l'inverse ? On ressent un vrai vertige face à ce tumulte d'émotions, dévorant et pulsionnel. La dimension psychologique et celle plus tragique alimentent un personnage aux ambitions complexes, contradictoires, en quête de sens, à la fois blessé et comblé. Je ne suis pas un fervent admirateur de Juliette Binoche mais les vagues émotionnelles qui rythment l'ensemble bouleversent et nous ramènent à nos propres désirs bafoués. De plus, le parallèle avec Les Liaisons dangereuses de Laclos en filigrane est assez intéressant du point de vue de la situation et des époques.
Ici, l'amour nait à vue, caché des regards et des corps, brouillant le moindre sens, hormis l'ouïe. Les plans se resserrent à l'image du spectateur qui est témoin du mensonge de plus en plus irrécupérable. Jonglant entre des scènes de psychanalyse avec une Nicole Garcia impériale et des scènes du passé avec un François Civil envouté, le film aborde les thèmes du vieillissement, de l'emprise et de l'obsession passionnelle, la peur de l'abandon, et l'envie d'être unique, sans se conformer aux normes de la société.
S'il fallait reprocher quelque chose à Celle que vous croyez, ce serait son ton dramatique qui a tendance à tirer vers le pathos avec des notes de piano lentes et lourdes, grossissant toute la détresse de la situation. Non que ce n'est pas efficace, mais l'émotion est si palpable, qu'on se dit que c'est souvent accentué sans raison. Il y a aussi cette double fin, aux multiples rebondissements, et mettant en scène une réalité qui n'a jamais eu lieu, qui donne au récit un côté explosé et disparate. Ce tourbillon de temporalité apporte une confusion mais, comme celle-ci va de paire avec l'ambivalence des réseaux sociaux et du désarroi de ses personnages, elle nous guide vers la voie de la guérison. Mais l'oeuvre de Safy Nebbou laisse une marque et porte à réfléchir sur notre besoin d'être et d'exister aux yeux des autres.