Je vous vois déjà gueuler derrière votre ordinateur : comment un tel homme, un tel symbole de virilité, un tel chef de meute peut être aussi clément avec une adaptation aussi sirupeuse d'un grand classique Disney ? Déjà, comment peut-il regarder un Disney ? La vérité est ailleurs, mes chers amis, comme diraient D et Mulder. Je dis D, parce que est-ce Dana, Danna, Skully, Sculy, Scully, on ne sait pas, on ne sait plus. Eh bien, cette critique est une sorte de confidence. J'ai déjà parlé de mes proches sur ce site, de mes goûts douteux, de mon amour pour la beauté intérieure des femmes, tout ce qui est rate et pancréas, je me suis livré comme jamais je me suis livré. Il est temps d'étaler la vérité à qui veut l'entendre : oui, j'ai vu Cendrillon tout seul au cinéma et oui, j'irai voir Clochette tout seul. Vous êtes dans votre jalousie, je suis dans mon jacuzzi.
J'ai fait le chemin en vélo pour aller au cinéma. Ah oui, pour ceux qui veulent la critique du film, vous allez au paragraphe où je commence par "Les carottes sont cuites". Ce sera notre code secret. Je suis donc sur mon vélo, il fait chaud, vraiment chaud, les arbres bruissent ou quoi, non je déconne on s'en tape, et voilà t-y pas que je gare ma bicyclette sur un poteau quelconque aux abords de l'UGC. C'est à Noisy, si vous voulez m'y voir. J'ai de gros pectoraux, un marcel et des rangers de motard. Je suis ce qu'on appelle né sous une bonne étoile comme on dit dans le milieu de l’astronomie ou notamment chez les Linkup. Les femmes disent de moi que je suis tombé dans une salle de sport quand j'étais petit. Ce à quoi je leur réponds calme-toi quand même. Je décide de rentrer dans le cinéma. Ca ne me fait plus rien d'y aller seul, mais j'ai toujours cette petite boule au ventre quand je vais voir un film qui nécessiterait quelqu'un d'autre à mes côtés : une romance, une comédie populaire, un film d'animation, un film destiné à un public un peu plus féminin. J'achète ma place sur la borne, je vérifie qu'i n'y ait personne qui me regarde aux alentours. J'appuie sur "Cendrillon". Automatiquement, il faut donner la place à la nana qui s'occupe de tenir la caisse. J'essaie de passer sur le côté, furtivement, et alors tu vas faire quoi tu as bien vu que j'avais payé ma place non espèce de dinde ? Ouais je lui parle comme ça moi dans ma tête, j'en ai rien à foutre. Elle me dit "C'est par ici s'il vous plaît". Cette fois-ci, plus d'échappatoire... Cette femme sera à jamais dans la confidence. Elle va fendre l'armure comme rarement, elle va découvrir ce qui se cache sous ma grosse épée. Un petit enfant apeuré qui entretient un corps de brute pour cacher son cœur immense. Une crème et un cœur fondant au chocolat.
Ah, non, elle va voir une nana dans un corps de gringalet de 14 ans, en fait. Pardon, je confonds.
Elle prend ma place. Elle me juge. Je ne supporte pas sa façon de déchirer cette putain de place de cinéma. Alors il y a des films qu'on ne peut aller voir seul, c'est ça ? C'est bon, tu peux pas le faire paisiblement, merde ? Voyant qu'elle regarde ma carte UGC illimité, je tourne la tête vers l'arrière et fait mine de chercher quelqu'un du regard. C'est vrai, je n'y vais pas seul, madame, sur la vie de ma daronne je le jure avais-je envie de lui dire. Finalement, elle me rend le ticket et me dit d'une voix impérieuse : Très bonne séance à vous jeune homme. En insistant bien sur le jeune homme. C'est insupportable. C'est à ce moment précis que je me suis dit : tu vois Evy, cette femme, un jour, on lui prendra son travail. On se glissera tout en haut de la hiérarchie, PDG de tout ce qui est UGC Ile-de-France ainsi que Narbonne-Plage aussi c'est sympa, et on la virera. Très bonne route jeune femme, t'oublieras pas d'imprimer ton dossier pôle emploi pour demain connasse. Je monte les escaliers, je pénètre dans la salle...
Elle est vide. Je décide de me mettre au fond. Jusqu'aux BA, il n'y a personne. Evidemment, deux-trois couples viennent, une femme seule également. Je me suis dit que je pouvais peut-être me raccrocher à elle, mais elle a l'air tellement sûre d'elle qu'elle me gave la tête. Et ça fait de grands airs, et ça se met au milieu des places, et ça pose son manteau tranquillement. Fais-toi petite, déjà que tu me coupes en plein milieu du court-métrage de la Reine des Neiges : Fête givrée. Aie honte. Tu es toute seule, tu n'as pas d'amis, en plus tu arrives en retard tu ne sais sûrement pas te repérer dans les transports. Et tu parades. J'espère que tu as payé ta placé 11 euros tellement tu n'as aucun respect pour les gens autour de toi. Espèce de sans-ami va. Ah tu viens seule mais vas-y hors de ma vue. C'est ça, cache-toi bien au fond de ton siège et que je ne t'entende pas flâner dans tes pop-corn sincèrement. Je vois la fille d'un des couples qui me regarde. Je pense qu'elle est magicienne et qu'elle veut faire un petit tour de magie avec moi. Oui j'ose pas, j'avoue, j'ose pas faire la vanne. Allez, elle veut ma baguette, voilà, le lourd. Appelle-moi Harry Potter. Ensuite, elle se tourne vers son mec et rigole. Je ne suis pas parano, vraiment ce n'est pas mon genre, mais elle se fout de ma gueule la pintade. Le film commence. Et là, le bonheur suprême comme dirait Robbie Williams...
Les carottes sont cuites. J'ai lu un peu partout que le film était niais. Non, sérieusement ? Non parce que je ne sais pas si vous êtes très à l'aise avec le terme "conte de fées". Un conte de fées chez Disney, c'est mou, c'est cucul la praline, les personnages sont crédules, c'est manichéen, il y a des bijoux partout, des animaux extrêmement mignons et intelligents, ça ruisselle d'amour et de gens haineux qui veulent mettre fin à ce dernier. Et c'est exactement le penchant du film. Je m'en tape le coquillard des adaptations anachroniques à la Coppola. Elle va nous pondre une petite sirène dans le ghetto en train de fumer des joints et de se remaquiller dans un miroir en forme de bigorneau la meuf. A un moment donné respecte-toi Sofia. Je me fous aussi du conte original.
Kenneth Branagh s'est concentré sur l'essentiel. La magie du conte, et elle opère plutôt bien. J'ai trouvé le film relativement fidèle au dessin-animé. Tout a été fait pour donner du rêve et de la passion. Les chansons ont été mises à la trappe, ce qui peut paraître dommage dans l'absolu, mais ça donne une autre trajectoire au film. L'humour est peu présent, disons distillé à petites doses, on se retrouve dans une adaptation classique mais enrichie par des acteurs frais et des scènes éblouissantes. On est clairement sur de la rêverie à l'état brut. Celle du bal notamment mais pas que, celle où Cendrillon rencontre la Fée aussi, interprétée par l'excellente Helena Bonham Carter. Ce fut rapide mais court, c'est la scène la plus étonnante. Cendrillon créé un fidèle mélange entre esthétisme et plaisir, là où, pour moi, La belle et la bête de Christophe Gans s'est cassé les dents. Il y a un réel projet derrière cette adaptation, une finesse entre la balourdise des personnages toujours engoncés dans des clichés ambulants et les décors foisonnants qui poussent à se laisser prendre.
J'aime beaucoup Lily James. Elle a tout à apprendre évidemment, mais notre Lady Rose s'en sort plutôt bien car elle arrive à tenir son rôle, à ne pas compromettre une crédulité parfois trop abusive. Elle insuffle à Cendrillon une part d'humanité et ne tombe pas dans la béatitude constante, même lorsqu'elle est oppressée par ses sœurs. Elle manque peut-être d'envergure par moment. Cate Blanchett est machiavélique et impressionnante. Le reste du casting est tout aussi bon, je pense à notre Robb notamment. Seul petit regret, le rôle de Anastasi, incarnée par une Holliday Grainger un peu trop belle à mon sens.
Je sors donc de cette séance avec le sourire aux lèvres et c'est exactement ce que j'étais venu chercher. Les musiques sont somptueuses, grandioses comme elles se doivent dans un Disney. C'est une adaptation moderne et fidèle au Disney original. Un bon moment. Quant à moi, j'ai descendu les escaliers de la salle avec mon portable à la main, histoire de faire comme si j'en avais rien à foutre de cette séance. Au plus profond de moi, j'étais comme Cendrillon et sa pantoufle de verre devant le prince à la fin : rempli de joie.