De tous temps, j'ai toujours eu un petit faible pour les films qui mettent en scène des camions.
Que ce soit "le salaire de la peur", "Gas-oil", "la menace" ou encore "Convoy", et il y en a d'autres qui ne me viennent pas à l'esprit tout de suite ...
"Cent mille dollars au soleil" ne fait pas exception et est digne de pénétrer au Panthéon du film "de" camion ...
"Cent mille dollars au soleil" est un film d'Henri Verneuil réalisé en 1964 qui montre encore une nouvelle facette du talent de ce metteur en scène. On est ici dans le film viril, à l'humour épais et roboratif. Epais, car la subtilité et le monde des camionneurs, ça fait plutôt deux. A l'époque, il valait mieux en avoir dans les bras pour le tourner le guidon, dans les jambes pour enfoncer la pédale d'embrayage. Donc, pour la tête, c'était plutôt ce qu'il restait.
Roboratif, car il n' y a rien de tel que de visionner ce genre de film pour se changer les idées après une journée merdique.
Le scénario ? Heu, quel scénario ? Ah oui, il y a un camionneur qui a piqué le camion (neuf) d'un autre camionneur. Le patron, pas content , demande à un troisième camionneur de poursuivre le malotru et de récupérer la camelote.
Mais quelque part, on s'en fout un peu car on a affaire à toute une série de numéros d'acteurs servis par des dialogues aux petits oignons de Michel Audiard dans un cadre grandiose du sud marocain.
Commençons par le patron, Castagliano, le père Casta, de la boite de transports dont l'interprétation est assurée par Gert Fröbe. Surnommé "la betterave" à cause de son diabète. C'est excellent. C'est un patron très social "quand un chauffeur veut de l'augmentation ou du congé, il vient me voir, on en discute et je le vire". Avec son accent rocailleux inimitable de vieil allemand et son regard de vieux crocodile vicelard, il est toujours excellent. C'est le second rôle qui vous fait à lui tout seul le bon film.
En plus ici, il y a les trois chauffeurs interprétés par des acteurs de talent :
Lino Ventura, surnommé "plouc" en chauffeur qui fonce tête baissée quitte à se ramasser une gamelle. C'est le camionneur obéissant et honnête. On a le droit de se foutre de sa gueule mais gare, s'il s'en aperçoit.
Jean-Paul Belmondo joue le personnage de Rocco. C'est le chauffeur plus racé, plus élégant, plus séduisant. C'est aussi celui qui n'a pas de scrupule quand il y a de l'argent qui tend la main. Dans les beuveries, il garde la tête froide. Mais au final, à quoi ça sert car il se prend aussi les pieds dans le tapis.
Le troisième, c'est Bernard Blier. Lui, c'est plutôt l'hédoniste, le raisonneur et l'homme des bons mots. Celui-ci n'est pas de taille face à Ventura et Belmondo, aussi il est plutôt dans le registre rigolard un tantinet canaille.
Et puis il y a Steiner, alias Peter Frocht qui est un nouveau chauffeur. Personnage énigmatique et louche. En fait on découvrira qu'il s'agit d'un mercenaire qui a eu participé à des putsch dans des petits pays africains et a eu sauvé ses miches de justesse à chaque fois. Le personnage joué par Ventura n'a pas de mots assez durs pour lui cracher son mépris.
La réalisation est très réussie et très efficace dans les scènes de conduite des camions dans le désert sud-marocain, lui-même superbement filmé
Un dernier mot pour dire que tous les camions sont des Berliet, marque française réputée dès le début du XXème siècle, aujourd'hui fusionnée avec Renault puis IVECO.