Comment définir ce film ? Disons que c'est une comédie d'humour noir des années 1970 sur le thème de la chasse aux nazis, par Shaffner, le réalisateur de La planète des singes.
Barry Kohler, un jeune Juif, enquête au Paraguay sur d'anciens nazis et enregistre une réunion secrète présidée par Mengele, dans laquelle il annonce 94 assassinats d'hommes de 65 ans, déguisés en accident. Il n'a que le temps de contacter Ezra Liebermann, vieux chasseur de nazis juif installé à Vienne, avant d'être assassiné. Le film alterne ensuite des séquences du point de vue de l'organisation nazie et du point de vue de Liebermann, qui passe pour un original mais que les nazis n'osent pas assassiner de peur d'amener la lumière sur eux.
Liebermann reçoit de services secrets les signalements d'hommes de 65 ans récemment tués et visite leurs veuves, dans le but de dégager un schéma récurrent. Deux des veuves possèdent un fils de 14 ans aux cheveux sombres, aux yeux bleus et à la personnalité très froide, qui sont de véritables sosies. Pendant ce temps, Seibert, le responsable de la sécurité des nazis, apprend à Mengele que son projet est abandonné, au désespoir de celui-ci. Liebermann apprend que les enfants ont quelque chose en commun : ils ont été adoptés par ces couples. Il retrouve la femme chargée de l'adoption, une ancienne nazie. Il rencontre un biologiste viennois, qui lui parle de clonage, et du fait que le clonage est possible, mais que pour recréer un individu identique, il faudrait aussi que son environnement soit identique. Et d'un coup, il comprend le plan de Mengele : cloner Hitler et faire connaître aux clones la mort du père qu'avait connu le Führer adolescent. Les deux antagonistes convergent vers un des derniers pères vivants, Wheelock, un redneck de Pennsylvanie. Mengele arrive le premier et le tue dans sa cave. Il blesse ensuite Liebermann quand ce dernier se présente, mais tous deux, âgés, sont retrouvés agonisant et entourés des dobermann de Wheelock par Bobby, le fils et clone de Hitler. Mengele essaie d'expliquer au gamin sa destinée, mais la créature détruit son créateur, par cruauté pure, prend des photos les chiens en train de dévorer Mengele et appelle le SAMU pour Liebermann en l'échange du silence de ce dernier.
A la clinique, Liebermann reçoit un ami de Kohler, qui lui demande la liste des jeunes clones d'Hitler pour les faire assassiner. Le vieillard préfère la brûler. La dernière scène montre Bobb développant ses photos de carnage avec un sourire impénétrable.
Le film est porté par un duo d'acteurs formidable, à commencer par Laurence Olivier en vieillard juif qui enquête et que tout le monde prend pour un fou. Dès le début, la scène dans son appartement parcouru de fuites d'eau, avec des dossiers jusqu'au plafond et un propriétaire râleur, est amusante.
Quant à Gregory Peck, il n'aura donc pas que joué le capitaine Achab, mais aussi le Dr Mengele... Quelle surprise ! ça fait quand même bizarre d'entendre sa voix mâle proférer des horreurs ou de le voir lever le bras, face-caméra, en disant Heil hitler ! Il capture bien le caractère étriqué et psychopathe du personnage. Il en fait trop, juste ce qu'il faut.
On trouve aussi des caméos qui font plaisir, comme Bruno Ganz en biologiste viennois de bon sens.
L'esthétique est assez seventies (complets à pattes d'éph', mec à la coule en t-shirt et coiffure bouclée, vestes à col en revers de peau de moutons...). La musique de Jerry Goldsmith, assez symphonique, pastiche les valses de Vienne dans une veine grinçante qui va bien avec le film..
Le film peut diviser, à juste titre, car le thème du nazisme est traité sur un mode assez léger. Les tentatives d'assassinats menées par les nazis sont montrées un peu sur le mode de la comédie criminelle à l'anglaise : on sait que le crime va avoir lieu mais on y assiste avec fascination. Le passage du meurtre de Nancy et de son propriétaire, avec le gamin horripilant qui joue avec une marionnette pendant que la mère découvre les cadavres, fait particulièrement british... D'autres mises à mort sont tarantinesques, comme celle sur ce barrage en Suède ("It isn't Lundberg, and it doesn't have to be Saturday").
De manière générale, le film comporte de nombreuses répliques mémorables, comme Mengele disant d'un ton lent et calme : "Shut up you ugly bitch" à une femme de nazi.
Les décors sont nombreux et dépaysans, à commencer par la magnifique plantation paraguayenne de Mengele, avec ces Indiens aux yeux bleus perdus qui déambulent autour, au milieu des hibiscus et des perroquets. Vision d'Eden dérangeante, dans son adéquation avec les thèses eugénistes nazies. De fait, certains passages, comme la séquence de la visite de la clinique abandonnée, sur une musique classique inspirée, donnent parfois l'impression que le film bascule dans une sorte de dystopie eugéniste.
A partir d'une idée improbable, Ces garçons qui venaient du Brésil propose un thriller divertissant et dépaysant, qui se paie le luxe d'étaler un certain humour noir.