Chantons sous la pluie a déjà 70 ans et pourtant il fait partie de ces classiques qui ne vieillissent pas et s'ancrent même plus que jamais dans l'ère du temps.
Il est important de rappeler que dans les années 1950, le music-hall est un genre certes jeune mais dont le public raffole énormément, ce qui est d'autant plus intéressant - et non moins étonnant - que Chantons sous la pluie aborde l'arrivée du parlant car tout comme le music-hall, le public et les studios ont raffolé du son synchrone depuis le film The Jazz Singer de la Warner en 1927.
Seulement, dans Chantons sous la pluie, l'arrivée du son synchrone est aussi une manière de prédire les tendances sociologiques actuelles et futures afin de déterminer les rapports de production ; il faut tout simplement se mettre à jour pour continuer à attirer le public car comme dirait le personnage de Debbie Reynolds à propos des films muets :
Once you've seen one, you've seen them all.
Avec une insolence des plus piquante mais des plus jubilatoire le film prend plaisir à se moquer d'une évolution dont il semble impossible de pouvoir échapper mais sans véritablement prendre le temps de la comprendre, d'où le ridicule apprentissage de l'articulation, de la recherche perpétuelle de solutions pour la captation du son face à des acteurs incompétents et d'où un premier essai au parlant tout bonnement hilarant par la bêtise de la situation.
C'est finalement en prenant à revers la question de l'artificialité du cinéma que réside le véritable coup de maître de Chantons sous la pluie ; ce dernier veut se moquer de tout ce qui peut être source de crédibilité à l'image, se moquer de l'artificialité réaliste du cinéma, penser sa propre condition de music-hall en assumant ses artifices afin de mieux en libérer toute l'énergie et la beauté. Car c'est ça Chantons sous la pluie, un film qui séduit immédiatement par l'énergie de son formidable trio d'acteurs, un film qui parle, chante et respire l'amour du cinéma.