"Chantons sous la pluie", chef-d'œuvre de la comédie musicale, est une ode à la joie de vivre malgré la cruauté des rapports de force et les luttes pour survivre à Hollywood, la Cité des Crocodiles. Stanley Donen nous offre un exemple d'espérance et de courage. Ne renonçons jamais à l'amitié et à l'amour, ni à vivre notre part de bonheur et de malheur, avec une lucidité imprégnée de bonne humeur et d'humour.
À travers cette satire, le cinéaste vise Hollywood des années 1950. En 1927, le cinéma muet va mourir en pleine gloire. Mais Dan Lockwood (Gene Kelly), inconscient de sa situation précaire, se pavane devant son public sur ses débuts légendaires de star du muet. Il ment et travestit ses galères professionnelles en contes de fées. "L'essentiel est de toujours conserver sa dignité !", répète-t-il pour se persuader lui-même. L'idéologie du spectacle transforme la réalité sociale en conte pour enfants et en divertissement rentable.
Dans le monde des studios, l'ambition et la cupidité écrasent les êtres, car tout est bon pour réussir : oublier sa dignité, accepter n'importe quel rôle inepte, nier ses sentiments, pratiquer les menaces et le chantage. Les coulisses de la société du spectacle sont sinistres : hypocrisie et mensonges fourmillent jusqu'à la fin du film.
Le génie est de mêler une lucidité mordante sur les réalités féroces d'Hollywood (derrière les paillettes), à une joie de vivre débordant en danses, chants et numéros de claquettes échevelés.
La rencontre du héros avec une comédienne de théâtre (Debbie Reynolds) le fait réfléchir sur son monde superficiel, voué au culte des apparences. "Quand on a vu un de vos films, on les a tous vus !" claironne-t-elle. Don s'amourache de cette débutante, mais reste lucide : "Je suis tellement cabot que j'ai besoin d'un décor de théâtre pour exprimer mes sentiments !"
L'humour étincelle dans les situations et les dialogues. Les relations exécrables entre Don et sa partenaire Lina Lamont (Jean Hagen) contrastent avec la fiction publicitaire de leur romance hollywoodienne. Les scènes où cette star du muet à la voix ridicule échoue à s'adapter au cinéma parlant sont d'un comique grinçant. Car il faut s'adapter ou disparaître.
"Singin' in the Rain" est une œuvre chaleureuse, lucide, pleine d'énergie. L'amitié entre Don Lockwood et Cosmo, saltimbanques nés, s'est forgée dans les galères partagées à cachetonner. Les sentiments humains s'étalent sans maquillage : cupidité, amitié, haine, amour, égoïsme... Mais l'amitié et l'amour (entre autres) permettent de surmonter les échecs et de survivre.
Quand Gene Kelly chante sous la pluie, nous devenons grenouilles - nous coassons, bondissons, nous devenons libellules et cigales avec dans le cœur un soleil plein de chaleur. Et j'aime qu'un mystère plane avec les brèves apparitions d'une sirène aux longues jambes, Cyd Charisse, qui incarne le sexe, poursuivi par une pieuvre nommée Mafia...