Mark Chapman est une invitation au délit de faciès. Son visage pâlot et flasque, ses énormes lunettes que l’on imagine déjà démodées dans les années 80, son allure bedonnante qu’il cache sous un énorme pardessus noir… Il est l’absolu quidam dont l’existence -lorsqu’elle est remarquée- interroge.
C’est pourquoi Mark s’imagine une autre vie, qui inspirera l’envie plus que la pitié. Une vie dans laquelle il est à la fois Holden Caulfield, l’incompris errant de L’Attrape-Cœur, et John Lennon, la rock star à qui tout réussit. CHAPTER 27 est l’histoire d’une déception qui vire à l’aigreur, d’une solitude qui devient folie. D’un type qui veut faire connaître la laideur de son existence au monde entier en attaquant un symbole d’humanité.
On a reproché au film de lui donner raison. One-man show et soliloque, CHAPTER 27 ne parle que de Chapman, ne montre que lui. Il est de chaque plan, imposant à nos yeux sa large carrure et à nos oreilles sa voix trainante de narrateur omniscient. C’est ce choix qui a fait polémique, et c’est pourtant ce qui rend le résultat fascinant. La mise en scène est neutre ; les personnages secondaires, à peine esquissés : le spectateur n’a donc d’autre choix que de plonger tête baissée dans celle de Chapman. Quiconque espère y trouver l’explication ou la dénonciation d’un geste qui domine le récit comme une épée de Damoclès sera déçu. CHAPTER 27 n’est pas un épisode d’ENQUÊTES CRIMINELLES et se refuse à tout exercice de logique ; il est un (auto)portrait qui ressemble à son narrateur : gris, terne, flasque mais inquiétant.
Par conséquent, le film offre un écrin parfait à Jared Leto, que l’on a déjà connu plus subtil dans la performance extrême mais qui jongle avec virtuosité entre le fan un peu collant et le fanatique vraiment flippant. Le film lui doit beaucoup, pour ne pas dire tout.
Si Chapman ne méritait sans doute pas tant d’attention, CHAPTER 27 ne mérite pas tant de rejet.