Neill Blomkamp regorge d'idées, de concepts intéressants, mais a toujours du mal à les introduire en une écriture fluide. Ce qui donne une première partie plutôt maladroite pour Chappie, dans laquelle on peine à trouver le ton du long-métrage, avec un humour étrange qui survient au milieu de moments plus sérieux et dramatiques, et des dialogues assez pauvres. Néanmoins, on finit par s'attacher à cette ambiance détraquée, à cette galerie de personnages plus ou moins bien utilisés et loufoques. Sigourney Weaver fait de la figuration, Hugh Jackman devient l'antagoniste bourrin type Kruger dans Elysium, et Dev Patel est le protagoniste humain principal, mais se fait vite éclipser par le duo de Die Antwoord. Les deux artistes jouent d'ailleurs plus leur propre rôle qu'autre chose, dans un film qui pourrait presque leur servir de clip vidéo tant il adopte leur excentricité et leur fait constamment de la pub. Et il y a Sharlto Copley qui, grâce à la motion capture, donne vie à Chappie, un robot tout d'abord innocent, qui fait penser à Wall-E, puis découvre le monde dans de belles séquences poétiques, façon Eva. Il y a également un peu de I, Robot pour l'utilisation des androïdes, Short Circuit bien évidemment, mais aussi Appleseed - une influence qui va grandissante à mesure que se déroule le film.
Pas question d'extraterrestres, ni de station spatiale ; on retrouve néanmoins quelques unes des idées phares de Blomkamp : la police contre les gangstas, un protagoniste directement confronté à la technologie, une compagnie majeure qui le traque... le réalisateur est en terrain connu, et nous sert un film rythmé, à l'intensité croissante, où tout finit par s'enchaîner en un final extrêmement chargé et explosif. C'est là que le jeune cinéaste case toutes ses dernières idées, qu'elles soient métaphysiques ou du simple fan service, sans prendre le temps de les étayer du coup. Visuellement, on reconnaît immédiatement sa patte, surtout dans la mise en scène de ces robots au réalisme bluffant dans un Johannesburg à la technologie urbaine et crasseuse. On retrouve également ses gimmicks de réalisation, notamment dans les ralentis stylisés qui rajoutent un peu d'explosivité à l'instant. Par ailleurs, les effets spéciaux sont spectaculaires comparé à des films avec un budget cinq fois plus gros. Par contre, tous les cadrages d'exposition sont d'une banalité visuelle décevante. Musicalement, Hans Zimmer ne s'est pas décarcassé, avec une BO très semblable à celle de Ryan Amon pour Elysium (cuivres, Techno indus, Hip Hop,...) ; au moins c'est cohérent avec l'univers cinématographique de Blomkamp.
Si on a encore l'impression de voir une facette différente d'une même œuvre, notamment au niveau du contexte et du visuel, Blomkamp s'est tout de même attelé à écrire un film plus intimiste, en faisant de Chappie un conte sur un robot à la découverte de la vie, qui doit trouver sa place dans un monde impitoyable. Ainsi, en dépit de ses maladresses et de son excentricité, le long-métrage parvient à avancer grâce à ses bons sentiments et ses personnages attachants.