Blomkamp est comme un peintre s'attachant à reproduire systématiquement le même tableau mais en utilisant à chaque fois un style différent. On peut regarder ses oeuvres en se disant "oui c'est bon on a compris, c'est chaque fois la même peinture" ou alors on peut être curieux, surpris et impressionné par les différences et les innovations qu'apportent chacun des styles, montrant la même scène sous un angle un peu inédit à chaque fois.
C'est un peu le même constat si l'on cherche à placer le "style Blomkamp". SF ou film d'anticipation ? Les deux bien sûr. La première moitié montre un monde quasiment identique au notre tel qu'il pourrait l'être d'ici 10 ou 20 ans puis on bascule vers la SF qui se matérialise dans le final. Ce côté entre-deux peut gêner, donner l'impression que Blomkamp ne sait pas ou se placer. Je préfère considérer qu'il aime jouer avec les deux et que dans Chappie c'est une grande réussite.
Après District 9 et Elysium, Chappie nous montre encore les grands thèmes de Blomkamp, les fractures sociales, le rapport de l'homme à la technologie, le anti-héros, les "monstres" attachants, le souvenir de l'Apartheid, une vision du futur négative... Alors que l'ensemble tenait relativement mal la distance sur Elysium, on retrouve avec Chappie toute les qualités que l'on avait découvert sur District 9.
Dans cette Afrique du Sud coupée en 2 entre violence des gangs et grande firme cotée en bourse, on retrouve des personnages loin des standards de beauté, entre le duo tatoué et coloré de Ninja et Yo-Landi ou Hugh Jackman dont la coupe mulet et le short suffisent à le rendre risible voire pathétique. Un "monstre-robot" attachant (comme les aliens de District 9) qui se trouve mis à l'écart car différent, un thème universel du cinéma qui, une fois encore, rempli parfaitement son rôle ici.
Je ne reviens même pas sur les scènes d'apprentissage de Chappie, sur sa transformation en enfant-robot gangsta, ou encore sur la scène avec les deux chiens, qui feraient fondre le plus insensible des hommes sans jamais tomber dans le pathos.
Niveau réalisation Blomkamp filme toujours de manière aussi réelle son pays natal et le paysage urbain de Johannesburg, les scènes d'action ajoutent une touche de folie et de joyeux bordel (la scène finale bien sûr) permettant également ré-axer le film sur le rapport parfois dangereux de l'homme à la technologie. La présence à l'image (Ninja et Yo-landi) et à la bande son du groupe sudafricain Die Antwoord est également un hommage de Neill Blomkamp à la culture alternative de son pays, très développée.
Si l'on peut peut être considérer certains personnages sous-utilisés (Sigourney Weaver) ou trop simplifiés (Hugh Jackman), l'ensemble demeure très divertissant, bon mélange d'humour, d'action et de réflexion ou le message de Blomkamp passe de manière limpide.