« Chappie », en voilà un nom bien mignon et peu intimidant pour un film qui semble s’intéresser au futur peu prometteur de l’humanité, plongée dans un monde de brutes. Mais pourtant, on est ici loin d’un dessin-animé tout choupinou et plein d’enthousiasme. Alors qui es-tu donc, Chappie, et quelle est ton histoire ?
Chappie est le dernier-né du réalisateur Neill Blomkamp (District 9, Elysium), devenu célèbre pour ses films de science-fiction aux discours très engagés, notamment sur la société et ses dérives. Chappie, d’ailleurs, ne fait pas figure d’exception. L’histoire se déroule dans un futur proche, en Afrique du Sud, où la criminalité galopante fait de véritables ravages. Afin de l’endiguer, le gouvernement fait appel à une grande entreprise qui fabrique des robots-policiers visant à rétablir l’ordre. Deon (Dev Patel), l’ingénieur à la tête du projet, cherche parallèlement un moyen de créer des robots intelligents, doués d’une véritable conscience et de discernement. Il finit par parvenir à ses fins, mais est kidnappé par un gang de petits criminels, qui vont vouloir utiliser le robot pour les aider à perpétrer des délits. Pendant ce temps, un autre ingénieur, Vincent (Hugh Jackman avec une horrible nuque longue), fait pression sur la dirigeante de l’entreprise (incarnée par Sigourney Weaver) afin que les scouts (le modèle de robots-policiers utilisé) soient remplacés par son propre modèle.
Avant de m’atteler au visionnage du film, je dois avouer que j’étais quelque peu circonspect, la thématique de l’intelligence artificielle étant très récurrente au cinéma, et le « je suis Chappie » ponctuant la fin de la bande-annonce française me faisait craindre un « tout ou rien » concernant la qualité du film, ainsi que sa manière d’approcher la problématique dont il est question. La science-fiction reste un domaine très vaste qui a été source de chefs-d’œuvre, mais aussi de catastrophes. Cependant, avec les moyens aujourd’hui à notre disposition, nous sommes en droit d’espérer de bonnes choses, même si nous ne sommes pas à l’abri du fameux risque qu’est le « je mise tout sur le visuel, et ça ira quand même pour le scénario ». Cependant, Blomkamp n’est pas négligeant, loin de là. Ses films ont généralement reçu un bon accueil, sans pour autant marquer les esprits. En effet, Blomkamp se situe à la frontière du cinéma « recherché » et du cinéma « grand public ». J’ai encore en tête Elysium qui bénéficiait d’effets visuels magnifiques, et développait une intrigue très classique et léchée, en frôlant le cliché sans s’y noyer.
Avec Chappie, Blomkamp s’en sort encore une fois avec classe, et mieux qu’avec son film précédent. Dans celui-ci, il reprend des codes très classiques, tels que le héros geek gentil mais courageux, le méchant prêt à tout pour vaincre, les personnages secondaires délurés, et un monde ravagé par la guerre et le crime. Cependant, l’intérêt du film se trouve ailleurs, car nous conviendrons que ce schéma a déjà été vu maintes et maintes fois. En effet, comme son titre l’indique, le film s’intéresse à « Chappie », qui est le robot auquel Devon a su greffer une conscience (je ne dis pas SPOILER car cela semblait assez évident). L’intrigue nous amène donc à découvrir le résultat obtenu et son évolution. Car, étant donné que le robot dispose d’un programme de base qui le conditionne dans sa mission de gardien de la paix, l’implantation d’une conscience nécessite un formatage qui le fait repartir à zéro. S’ensuit un processus de connexion des données similaire à celle des neurones du cerveau humain, menant au développement de l’intelligence du robot.
Ce développement représente le cœur de l’intrigue du film. Avec sa conscience toute neuve, Chappie est comme un véritable petit enfant auquel il faut tout apprendre. La problématique est d’ailleurs très bien amenée, par l’intermédiaire des rencontres qu’effectue Chappie, et leur influence sur sa perception du monde. Dans un premier temps élevé par son créateur, qui veut lui fournir une éducation classique avec des jeux et des livres visant à développer sa créativité, Chappie est également pris sous l’aile du chef d’un petit gang de loubards, lequel veut en faire un gangster robotique indestructible. Cependant, l’innocence de Chappie l’empêche d’avoir le discernement suffisant face aux situations, ce qui fait de lui un être extrêmement influençable.
De prime abord, la manière dont est amené le sujet garde un côté très cliché, car c’est l’exacte représentation d’une éducation où l’on apprend ce qu’il faut faire, et ce qu’il ne faut pas faire, de l’apprentissage de notions de bien et de mal. Mais le film parvient à nous toucher, car l’innocence de Chappie contraste complètement avec le monde ravagé et extrêmement hostile dans lequel il se retrouve soudainement. Tant lorsqu’il se fait agresser (« pourquoi vous me faîtes du mal ? ») que lorsqu’on lui apprend à se battre et à tuer (« tout va bien, tu fais dodo maintenant »), Chappie est tributaire des enseignements qu’on lui livre, et cette touchante crédulité fait battre le cœur de ce film de science fiction qui veut apporter un peu de douceur dans ce monde de brutes.
L’approche de Blomkamp est donc ici claire. Tout en montrant un futur apocalyptique, où l’humain s’entre-détruit et mène à sa propre destruction, il amène une lueur d’espoir avec Chappie, en montrant que ce n’est pas une fatalité et que si l’humain est capable de détruire, il est également capable de créer, de rêver et d’aimer. La manière dont est éduqué Chappie met en exergue le fait que ce sont nos choix et nos relations qui dictent notre existence. L’humain, même poussé aux pires bassesses, n’est donc pas foncièrement mauvais, et garde en lui une part d’humanité, aussi infime soit-elle. Chappie, le robot-soldat devenu robot-enfant incarne ainsi cette innocence qu’il transmet aux humains, et qui les fait prendre conscience de l’étendue des dégâts qu’ils ont causé, et les amène à réfléchir sur eux-même. Allez, vous pouvez sortir les mouchoirs et manger des chamallows !
Néanmoins, hormis ce petit passage philosophique, le film apporte des discours alternatifs, notamment grâce à l’antagoniste incarné par Hugh Jackman. Celui-ci craint la volonté de son collègue de faire des scouts des robots intelligents, car cela risquerait de mettre en péril la domination de l’homme. Ainsi, pour lui, les robots doivent être commandés à distance par les humains, afin que ceux-ci gardent le pouvoir. C’est une problématique que l’on a déjà vu au cinéma (dans « I, Robot » par exemple), et qui avait également toute sa place ici, bien que le sujet soit quelque peu mis en retrait, et incarné par le méchant du film. Il s’agit de la touche un peu manichéenne de Chappie qui privilégie donc le positif et l’espoir ce qui, au fond, ne fait pas de mal par les temps qui courent !
Mais, même si Chappie adopte un discours très classique, d’abord fataliste puis idéaliste, il traite avec réussite son sujet, en l’abordant d’une manière intéressante et en obtenant un résultat convaincant, permettant d’éviter à Chappie d’être un simple film de science-fiction parmi les autres. Divertissant et touchant, Chappie saura séduire ses spectateurs, à n’en pas douter !
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