Le paradis n'est pas un parcours de santé
Chemin de croix porte bien son nom car il nous raconte l’histoire de la jeune Maria qui va, en 14 stations, vivre le chemin de croix de Jésus. Tout le film est basé sur cette notion de « programme », où chaque évènement est symboliquement annoncé à l’avance par une station, qui trouve une résonance dans la vie de Maria.
Le procédé se justifie bien, car Maria (qui a justement 14 ans) vit au sein d’une famille catholique a l’éducation très stricte, dont l’unique but est de passer la vie la plus pieuse possible en se sacrifiant à Dieu pour pouvoir rejoindre le paradis. Et si on peut aider les créatures abandonnées aux plaisirs sataniques à nous rejoindre, c’est encore mieux. Maria prend ces commandements au pied de la lettre, et délaisse progressivement la vie pour « rencontrer » Dieu et guérir son jeune frère atteint de mutisme.
D’où l’intérêt de montrer son parcours comme la représentation du chemin de croix de Jésus. En faisant cela, les détails simples de la vie, comme par exemple prendre le mouchoir blanc que quelqu’un nous donne, ou accepter d’aller à la chorale de l’église voisine, prennent une dimension divine et tragique.
Les apparences aussi froides et rigides que la terrible dureté de la mère de famille « intégriste » feront forcément fuir les spectateurs les moins volontaires. Ils rateront ce qui fait le cœur du film : l’ambiguïté. Contrairement à la majorité des films qui montrent les travers de l’intégrisme religieux en nous faisant prendre clairement position par l'indignation, Chemin de croix nous laisse douter de la dimension divine ou non des actions. Maria, au bout du voyage, a-t-elle rejoint les cieux et fait un miracle ? ou au contraire son sacrifice n’est-il que le résultat terriblement prosaïque d’une vie passé dans la douleur et l’obscurantisme ?
Par la sécheresse de sa mise en scène (14 plans-séquences pour 14 stations) et le talent de ses acteurs, il est permis de douter. Chemin de croix est un film assez pathétique, car il provoque notre pitié et notre compassion pour la jeune Maria, martyre à moitié consentante. Mais le tour de force est que cette pitié naît autant, si ce n’est plus, du sentiment de l’absurde que du sentiment religieux.