Nous sommes en l'an 2000, je suis dans la grande salle de l'Alcazar, je m'entends et me vois rire. C'est rare de s'entendre rire. Rarissime. Non pas de sourire au détour d'une scène sur une situation scabreuse, ni de glousser sur un jeu de mots réussi ou de pouffer sur une tirade audacieuse, mais de vraiment rire, à gorge déployée, longtemps et d'en prendre soudain conscience. OSS 117 m'a fait rire, Un poisson nommé Wanda, Les dieux sont tombés sur la tête et Sacré graal... Ce doit être tout. Sans oublier La soupe aux canards.
C'est dire l'importance de Chicken run. J'ai ri sur des poules à dents en pâte à modeler ! Imaginez une escouade de poules pondeuses. Leur poulailler évoque un camp de la mort, où une terrifiante Madame Tweedy coupe le cou des vieilles poules. Pis, elle investit dans une machine à confectionner des tourtes à la poule. Conscience de l'imminence danger, la basse-cour multiplie les tentatives de fuite. Nick Park et Peter Lord nous livrent une jubilatoire parodie de films d'évasion. La tension monte.
Les poules sont drôles, les décors magnifiques, l'animation fluide. Chicken run ravira les enfants, tout en inquiétant les plus grands. Madame Tweedy manie la hache avec un terrifiant plaisir, seules les voix enjouées de Valérie Lemercier (Ginger) et **Gérard Depardieu (**Rocky) parviennent à me transporter hors des horreurs concentrationnaires. Les dialogues sont savoureux, les répliques fusent et touchent :
Ginger : " La clôture n'est pas autour des baraquements, mais dans votre tête. "
Ginger : " Il s'est froissé une aile. "
Poulard, coq grognon : " Toujours en retard pour les guerres mondiales, les Américains. "
Rocky : " Le monde est cruel, ma cocotte. "
Rocky : " Je suis un Coq boy libre et solitaire. "
Ma fille m'interrompt, inquiète :
- Papa, mais c'est horrible ton film !
- C'est drôle, non ?
- Oui, mais c'est trop triste. Comment peux-tu rire ?
- Ne t'inquiète pas, ils vont s'en sortir.
- T'es sûr.
- J'espère.