« Chien de la casse », premier long-métrage de Jean-Baptiste Durand, est un film qui se présente face à son spectateur complètement à nue, dépourvue des effets de style et des oripeaux esthétisants qui parfois servent à masquer une histoire un peu vide. Pas de musique tonitruante pour surligner l’action. Pas de stylisation du village dans lequel se passe l’action. Pas d’iconisation des personnages. Une mise en scène naturaliste au sens noble du terme.
Au sens noble car captation naturaliste ne veut pas dire que le film est dépourvu de mise en scène. Un exemple à ce propos serait l’évocation de la mise lumière du film dans les scènes de nuit. Jean-Baptiste Durand et son chef opérateur Benoît Jaoul parviennent à capter et reproduire à l’écran cette lumière jaune-orangée typique des vieux lampadaires encore utilisés dans certains villages. Cette lumière si particulière a pour effet de donner au visage une dualité, un aspect mi-ombre, mi-lumineux propice au déploiement d’une histoire d’amitié complexe en Mirales le flamboyant et Dog le taiseux.
« Chien de la casse » montre donc cette amitié qui confine à la fraternité, mais bien souvent contrainte. On sent très rapidement que si ses deux jeunes hommes sont amis ce n’est pas par l’accumulation de points communs mais par une proximité géographique. Ils vivent dans la même rue, dans le même village et sont ceux qui ne sont pas partis. Sentiment d’enfermement terrible et insupportable pour un Mirales qui derrière sa verve, son chambrage et les rabrouements qu’il fait subir à un Dog apathique cache son manque d’assurance, son inconfort et sa rage de rester coincer dans sa vie alors qu’il la voudrait flamboyante.
Malgré ses airs de caïd Mirales a peur. Peur d’être délaissé d’autant plus lorsqu’une jeune femme s’entiche de Dog. Il singe les durs mais est en fait un bloc de douleur incapable d’exprimer ses émotions malgré sa logorrhée. À chaque phrase il s'invente pour mieux se cacher. L’inertie et les silences de son pote l’agacent parce qu’ils lui rappellent son bruit et sa propre inertie.
Raphaël Quenard qui incarne Mirales se révèle encore plus que dans tous ses autres rôles. Il est une virilité brisée, qui fait le bonhomme, ce qu'il croit être masculin mais est en fait un petit garçon apeuré, rappelant par instant Patrick Dewaere. Anthony Bajon est son parfait opposé, silencieux, tout passe par son regard. Et une seule larme qui coule.
Un grand film sur l’amitié.