Chinatown est un pur produit de la mode rétro qui commençait à apparaitre dans ces années 70 à Hollywood. En effet, Roman Polanski recrée avec habileté l'atmosphère du film noir hollywoodien des années 40 grâce à plusieurs éléments typiques du genre : une ville menaçante, une faune interlope, un privé fatigué et qui reçoit des coups, une femme troublante, le monde de la pègre locale, la corruption, une machination, et une intrigue ténébreuse. Le réalisateur et son scénariste Robert Towne prennent visiblement beaucoup de plaisir à reconstituer cet univers, un peu comme le fera plus tard Wim Wenders avec Hammett ; cette reconstitution du Los Angeles de 1937 est particulièrement soignée, l'hommage aux mythes du genre, vu jadis notamment dans le Faucon maltais réalisé par John Huston, est parfait. Ce même John Huston qui, suprême clin d'oeil, apparait ici dans un rôle assez conséquent. Cependant, Polanski tout en rendant hommage par un séduisant "à la manière de", se permet de dynamiter un peu le film noir classique avec quelques audaces en livrant sa vision d'un invraisemblable imbroglio des corruptions et du crime, mais le privé J.J. Gittes incarne dans la plus pure tradition le catalyseur dont la présence et l'enquête vont provoquer le drame. Jack Nicholson, si souvent à la limite du cabotinage calculé, est dans ce rôle excellent et plus mesuré. L'une de ces petites entorses au schéma du film noir est justement de montrer un héros enlaidi qui se balade pendant les 3/4 du film avec un pansement sur le nez, suite à une scène très réaliste d'entaille provoquée par une petite frappe sadique incarnée par Polanski en personne. Un superbe film en forme de tragédie psychologique.