Il importe d'abord de remettre les choses d'aplomb. J'ai lu ici et là que le film est librement inspiré du roman "les chouans" de Balzac. Alors là, il faudra qu'on m'explique en quoi l'un inspire l'autre ... Et celui qui a écrit ça n'a sûrement pas lu le roman !
Le roman et le film n'ont pas le même titre. Dans le roman, les personnages n'ont pas les mêmes noms. Le roman se passe sous le Consulat et non sous la Terreur comme dans le film. Le roman décrit une ruse imaginée par les républicains pour s'emparer d'un chef "Chouan" en y envoyant une espionne qui tombe amoureuse de la victime (etc etc). Tandis que le film est construit autour d'un triangle amoureux entre les deux fils d'un comte breton apolitique (passionné d'aviation avant l'heure) et de sa fille adoptive. Les fils vont se combattre car l'un est républicain et l'autre royaliste. Bref, le seul point commun que je vois entre film et roman est le mot "Chouan". C'est bien peu !
J'irai même plus loin : dire que le scénario du film prend racine chez Balzac, c'est faire injure au roman.
D'ailleurs De Broca ne s'est pas donné le ridicule de le préciser dans son générique. Dans le doute, j'ai repassé le début du film pour le vérifier.
Maintenant, parlons un peu du film. l'ambition de de Broca est d'en faire un film historique. Là encore, on va me trouver du genre pinailleur, mais j'en doute car il me semble qu'il mélange pas mal de choses (les révoltes vendéennes et la chouannerie, par exemple). Mais n'étant pas spécialiste de la question, je n'en dirai pas plus.
Ce qui ne me semble pas non plus très historique, c'est la passion du Comte de Kerfadec pour l'invention d'aéronefs. Evidemment, on peut considérer que Kerfadec est très en retard par rapport à Icare et à Leonard de Vinci ou au contraire en avance d'une grosse cinquantaine d'années.
Pour clore cette discussion, on va dire que "Chouans " est un film d'aventures familiales dans un château en Bretagne dans un contexte de révolte de bretons contre le pouvoir républicain sous la révolution...
A l'actif du film, je peux dire que c'est très bien filmé dans un cadre et des paysages très bien rendus. Avec en plus la musique ad hoc ( du biniou et encore du biniou), pas de doute, ça se passe bien en Bretagne.
Que dire du casting ?
On va commencer par ce qu'il y a de bien (ou pas trop mal).
Philippe Noiret dans le rôle du comte de Kerfadec, c'est le doux rêveur, qui rêve de paix et de concorde, qui ne veut pas de ces massacres fratricides. Celui qui va à la messe pour y piquer un petit roupillon et rêver "car les rêves y sont plus beaux". Sur ses trois enfants, l'aîné, Tarquin, a été recueilli enfant, le second, Aurèle, est un fils légitime et la troisième, Céline, a été recueillie le jour de la mort de son épouse. Le comte de Kerfadec, au delà d'être un gentil pacifiste, est un être altruiste et un bon vivant. C'est bien sûr un rôle taillé sur mesure pour Noiret.
Deux rôles bien tenus de royalistes fanatiques sont ceux de Charlotte de Turkheim et Jean-Pierre Cassel.
Ensuite ça se gâte un peu :
Lambert Wilson dans le rôle de Tarquin, le fils aîné, amoureux éconduit de Céline devient révolutionnaire à Paris. Il est envoyé par les instances parisiennes pour mettre au pas tous ces aristos et curé bretons. C'est un dur au cœur tendre qui "s'écœure lui-même". Bof.
Sophie Marceau dans le rôle de Céline. Son personnage balance entre Tarquin et Aurèle pour finalement se fixer sur Aurèle. Après quelques aller et retours, tout de même. Le problème de Sophie Marceau, c'est qu'elle ne joue pas, elle pose. Je ne sais jamais trop quoi penser de cette actrice que j'ai vue au cinéma de nombreuses fois avec toujours une impression mitigée. Une chose est sûre, c'est qu'ici, elle n'est pas aidée par les dialogues qui sont au ras des pâquerettes. D'ailleurs, la romance et le triangle amoureux ne prennent pas et je ne sais pas trop non plus pourquoi. Je crains que ce ne soit un ensemble entre scénario, dialogues et jeu des acteurs qui parait très artificiel pour ne pas dire affecté.
Je m'interroge sur le sens que De Broca veut donner à son film. Témoignage des exactions de chaque camp en les renvoyant dos à dos ? Pourtant les scènes les plus sordides sont certainement du côté royaliste. Alors que le titre du film laisserait plutôt supposer un hommage à ces gens qui ont osé défier le nouvel Etat républicain.
Mais comment comprendre le curé exalté à demi-fou qui conduit des bains de sang et fait tuer les républicains par des enfants (Maxime Leroux)
Pour conclure, je pense que De Broca s'est attaqué à un sujet très ambitieux qui l'a dépassé. C'est qu'il y a loin entre un film d'aventures simple comme "l'homme de Rio" et un film à ambition historique.
Pour l'anecdote, mon DVD comporte aussi la version longue en 4 épisodes d'une heure. Honnêtement, je n'ai pas le courage. Et si ça se trouve, j'ai tort car c'est peut-être génial.
On peut toujours rêver.