D'abord c'est simplement fascinant de se replonger presque sans filtre dans la société française de 1960, par le biais de cette "Chronique d'un été".
Ensuite on se dit que le documentaire est quand même sacrément décousu, sans ligne directrice bien définie. En témoigne cette étonnante virée finale à Saint-Tropez.
Plus grave, le propos apparaît clairement orienté, Jean Rouch et surtout Edgar Morin faisant parler en priorité leur propre entourage (étudiants, ouvriers, intellectuels), avec bien sûr l'idée sous-jacente de leur faire dire ce qu'eux-mêmes veulent entendre.
Mais la diffusion finale des rushes aux participants, et la remise en question qui en découle, sauve à mes yeux la démarche de ce point de vue-là.
Et puis il y a la dimension technique, révolutionnaire pour l'époque : un simple micro-trottoir, comme on en voit aujourd'hui tous les jours à la télévision, était alors une véritable prouesse.
Cette période coïncide en effet avec les premières caméras portatives (encore très lourdes) et l'apparition du micro-cravate. Le matériel en provenance d'Amérique du Nord avait été obtenu in extremis par le technicien québécois Michel Brault, un proche de la Nouvelle Vague.
Tous ces éléments font de "Chronique d'un été" un témoignage incontournable de son époque, versant documentaire des films de Godard, Truffaut et les autres, à compléter par "Le joli mai" de Chris Marker, tourné deux ans plus tard.