Bienvenue en Humilistan
Pour qui ne connaît pas Téhéran, le très long premier plan fixe du film de Ali Asgari et de Alireza Khatami peut surprendre. La ville, vue du haut de ses collines, a effectivement une allure assez...
le 18 mars 2024
10 j'aime
Ouverture sur un long plan fixe d'un jour maussade se levant sur la capitale brumeuse et aux allures sordides. C'est ainsi que Ali Asgari et Alireza Khatami décident de nous présenter de manière inquiétante leur personnage principal, nous exhortent sans envie à le rencontrer en nous plongeant de manière inquiétante dans son horreur sonore et un enfer brueghelien annoncé par de menaçants croassements.
Les deux réalisateurs, qui n'ont résolument pas peur des des répercussions politiques de leur œuvre, donnent par là-même la clef de lecture de leur film : une succession de vignettes courtes (ou d'études de versets terrestres, comme l'indique le titre original , en plans séquences et statiques. Cette rigidité, qu'ils n'abandonneront que dans un épilogue métaphorique puissant, force à scruter, sans détourner le regard, sans fausse lâcheté, la société iranienne dans ce qu'elle a révoltant, d'aberrant, d'insoutenable parfois, de risible aussi (si l'on accepte de bien grincer des dents sur cet humoir noir, très noir).
Un pays où la morale est violente et permanente, comme un carcan solide (le cadre fixe des plans), où les injonctions faussement amicales à vivre dans la norme (indéfinie et variable d'ailleurs) viennent d'un en-haut inatteignable, d'un hors-champ impalpable, seulement représenté par des mains intrusives, où les humiliations, les incohérences, les contradictions et les hypocrisies sont lot commun et ordinaires.
Où les allusions et grandes vérités, les raccourcis et arguments d'autorités rédhibitoires sont éléments de langage.
Où les agents de la morale étatique (donc religieuse) ont des yeux partout, où leurs murs ont des oreilles.
Par cette proposition de cinéma radicale, étrangement agressive dans sa passivité, et finalement dure à vivre, Ali Asgari et Alireza Khatami dressent une sociologie du guichet glaçante (se permettant même un intéressant autoportrait).
Mais ce qui les intéresse finalement derrière cette galerie de saynettes toutes plus perturbantes les unes que les autres, est de filmer leur ville comme un vieux monde en train de mourir et qui ne mériterait plus que de s'effondrer sous l'impulsion, peut-être, d'une divinité toute puissante.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films iraniens, Journal cinéphile 2024 et Les meilleurs films de 2024
Créée
le 26 mars 2024
Critique lue 44 fois
D'autres avis sur Chroniques de Téhéran
Pour qui ne connaît pas Téhéran, le très long premier plan fixe du film de Ali Asgari et de Alireza Khatami peut surprendre. La ville, vue du haut de ses collines, a effectivement une allure assez...
le 18 mars 2024
10 j'aime
Voici un film très particulier de deux cinéastes iraniens Ali Azgari et Alireza Khatami vu aujourd'hui en salle.D'après ce que j'ai lu dans un article de Télérama, Alireza Khatami, cinéaste en exil...
Par
le 29 mars 2024
9 j'aime
9
À l’écran, une ville s’éveille. On entend les bruits et les agitations qui résonnent, les voix des gens et les oiseaux, les klaxons et les sirènes tandis que la lumière du jour se fait plus vive, et...
Par
le 15 mars 2024
7 j'aime
Du même critique
Il y a au départ la petite histoire qui donne son origine cocasse au film : la rencontre, tumultueuse pour le moins, de François Ruffin avec Sarah Saldmann, chroniqueuse sans grande finesse du...
le 2 oct. 2024
26 j'aime
La Nuit où Laurier Gaudreault s'est réveillé est probablement l'œuvre la plus dure et la plus mure de Xavier Dolan, construite comme une compilation presque étouffante de tous ses thèmes, de toutes...
le 21 févr. 2023
19 j'aime
2
Film emblématique d'une génération, The Blues Brothers n'a pas réussi à me convaincre. En tous cas pas totalement. Certes je n'ai pas passé un mauvais moment, j'ai même ri franchement à certains...
le 29 déc. 2015
18 j'aime