Trois mois se sont écoulés entre mon premier et mon second visionnage de Chungking Express. Et si il y a bien un film qui a particulièrement occupé mes pensées, c’est bien celui-ci… Je me suis donc rappelé régulièrement la première partie sombre et envoûtante mais surtout la seconde dans laquelle Faye Wong entre chez Tony Leung pour refaire sa décoration sur fond de California Dreamin’. Cette fascination pour ce film, puis pour l’ensemble de la filmographie de Wong m’ont donné envie d'écrire quelque chose dessus. J’ai donc, comme dit un peu plus haut, décidé de visionner à nouveau le film afin de confirmer mon ressenti par rapport au film. Et c’était sûrement une bonne idée: le film ne me paraît pas moins bon; mais tout de même assez différent.

La première fois, le film m’avait particulièrement captivé dans sa seconde partie. Cette dernière me semblait plus optimiste, bien plus qu’un In the mood for love et surtout que la première partie, dans laquelle le premier policier enchaîne les échecs sentimentaux dans un univers particulièrement sombre et mélancolique. Mise à part la formidable course poursuite introductive filmée comme un enchaînement de photos à la pose longue, il ne me restait d’ailleurs plus beaucoup de souvenirs clairs de cette longue introduction: je la concevais plus comme un moyen de mieux faire ressortir l’optimisme de la suite du film… Et il faut dire que j’avais de quoi être conforté dans mon idée: si dans la première partie les personnages sont déprimés, la ville ténébreuse et l’ambiance morne, la seconde est au contraire remplie de vie, de lumière et d’un personnage haut en couleur: Faye. Tous ces éléments sont bien sûr retranscrits par la mise en scène et la photographie singulière du duo Wong/Doyle ainsi que par la bande son soigneusement choisie. J’ai donc laissé trotté dans ma tête pendant quelque mois l’idée d’un film optimiste faisant ressortir l’amour optimiste de sa deuxième moitiée succédant à la mélancolie et à la tristesse de la première.

Quelle ne fut donc pas ma surprise en revoyant le long métrage: j’avais complètement fantasmé ce dernier et la vision que j’en avais était complètement biaisée. Ainsi au second visionnage, je me suis rendu compte de deux choses. Premièrement, la seconde partie n’est pas si joyeuse et insouciante qu’elle me paraissait: si la toute fin est bien optimiste, la mélancolie de l’introduction survit bien à la géniale transition entre les deux scénarios. On a ainsi, en plus des plans lumineux sur fond de la reprise de Dreams des Cranberries par Faye Wong elle-même ou encore California Dreamin’, de nombreux plans rappelant l’exposition du film. Certains sont nocturnes, d’autres non mais dans tous les cas nous font ressentir les désillusions des personnages. La première partie est, elle, remontée dans mon estime. Que l’on soit clair, elle n’a jamais semblé mauvaise à mes yeux, mais simplement en-deçà de la seconde qui a monopolisé mon esprit. Lors de ce second contact, j’ai donc redécouvert une variété cinématographique importante dans cette première partie: cette dernière balance entre le film d’action/ de contrebande, la comédie romantique ou encore le film de romance tout court. On y voit quelque chose d’important chez Wong Kar Wai: la vie. La vie des rues, la vie des trafics et donc la vie des personnages principaux qui, sans histoire, n’ont pas une vie particulièrement plus importante qu’un figurant pris au hasard dans la foule: Wong filme la vie, l’amour, la déception, la petite histoire, celle des gens “normaux”... Et tout ça est valable aussi bien dans la première partie que dans la seconde mais plus globalement que dans quasiment toute sa filmographie.

Cette expérience m’aura donc fait constater une chose: la variété du point de vue que l’on peut avoir sur une œuvre en fonction du contexte dans laquelle on la regarde, et donc si c’est la première fois ou non qu’on le fait. Chungking Express est donc pour moi toujours un excellent film, mais clairement un film différent. Bref, regardez des films, et revoyez-les!

Airb
9
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le 26 nov. 2023

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Airb

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