Il faut croire que regarder un film fatigué n'arrange pas l'image que l'on s'en fait... J'avais regardé ce film de Kitano quelque mois auparavant et il ne m'en restait pas grand chose à l'exception de quelques vagues souvenirs de plans. Le film m'avait plutôt satisfait mais je dois dire que je le suis encore plus après ce second visionnage! Le réalisateur parvient en deux heures à racontre aussi bien la monstruosité que la beauté de l'Homme dans un récit à la fois comique et mélancolique.
A mes yeux le film est d'abord une satire de ce que l'humanité a de pire: pédophilie, harcèlement de rue, arnaques... Tout y passe. Mais là où Kitano tire son épingle du jeu, c'est qu'il tourne les situations au ridicule en usant de procédés cinématographique comme le travelling utilisé par exemple dans la scène où le duo principal composé de Kikujiro et de Masao jouant paisiblement sur une pelouse avec un couple de voyageurs... Se révélant grâce à un long travelling arrière être interdite. Alors certes la transgression est moins grave que celles citées précédemment, mais elle est tout de même présente. Et cela constitue un autre point intéressant: même les protagonistes on des choses à se reprocher, en particulier Kikujiro qui se révèle être un anti-héros particulièrement grossier et manipulateur.
Ce point en amène un autre: tant la quasi entièreté des personnages, à l'exception peut-être de Masao, ont des torts et font des actions plutôt mauvaises, surtout dans la première partie du film, en ressort de celui-ci une vision pessimiste et tragique de la nature humaine. Ainsi au départ Kikujiro n'accompagne pas Masao retrouver sa mère par altruisme mais sous la contrainte de sa femme. Il n'hésite d'ailleurs pas à parier l'argent confié par celle-ci pour le voyage. Quant-à-elle, la mère de Masao n'est pas partie pour travailler comme affirmée par la grand-mère du jeune garçon mais pour refonder une famille dans le dos de son fils. On a donc ici un récit sombre dans lequel il semble impossible de croire en l'Humain.
Mais la beauté du film est pourtant bien là. Après la désillusion concernant la mère de Masao, le duo fuit la cruauté du monde environnant grâce à des parias. Personnages tantôt bizarre, tantôt excentriques, ce sont d'abort le couple cité plus haut puis un duo de motards et un vagabond parcourant le Japon. Tous vont s'allier à Kikujiro dans des scènes rappelant le spectacle de rue jouée à Masao afin de lui changer les idées noircies par la découverte de la vraie nature de sa mère. Ces scènes sont profondément mélancoliques grâce d'une part à la maîtrise cinématographique de Kitano (on remarquera à ce sujet les très beaux plans de la campagne japonaise) mais également à la bande son magnifique composée par Hisaïshi.
En somme, le film se révèle être un voyage initiatique à la fois cynique et poétique dans lequel le jeune Masao découvre tant les travers des homme que les rares moments dans lesquels ils peuvent se montrer généreux, altruistes. Le voyage fait également évoluer Kikujiro qui, s'il ne perd pas son mauvais caractère, finit par éprouver de la compassion envers Masao et devenir pour lui un "oncle".