Call of Duty : Modern Warfare

Churchill désarçonne. Même si la bande annonce lançait quelques pistes, ce faux biopic préfère se bâtir sur quelques jours de la vie de son héros, ceux d'avant le D-day, plutôt qu'embrasser sa vie, ce qu'il représente, sa légende, son aura.

De la même manière, si Churchill est dépeint dans les premières minutes du film comme un vieux cabotin, l'oeuvre s'attachera par la suite à animer ses doutes, ses faiblesses, ses failles. Car l'homme est blessé, à terre, abattu. Malgré son statut de premier ministre, mis littéralement de côté dans la préparation de l'opération Overlord. C'est qu'il n'y croit pas, lui, à ce débarquement. Trop risqué, trop couteux en vies humaines. L'homme rechigne à sacrifier la jeunesse anglaise.

Au point de présenter sa figure comme un homme du passé, débordé par Eisenhower ou Montgomery. remis à sa place par sa femme ou son fidèle Smuts. Dans le mur qu'il oppose dans ses relations, il se montre aussi buté, colérique, tyrannique, manifestation de son impossibilité à faire entendre sa voix du côté tactique et militaire, de son impuissance par rapport au déroulement des événements ou à influencer le cours d'une guerre qu'il ne connait que trop bien.

Son visage est fermé, expression de ses doutes et de son isolement. Il s'imagine encore dans cette première guerre mondiale, au côté des troupes qu'il envoie au front. Mais Churchill éprouve aussi un sentiment de culpabilité, lourd et vivace, mis en dialogue par une description du débarquement de Gallipoli qu'il a commandé et qui a tourné au massacre. Mis en images ensuite par cette vision de l'eau rougie des plages normandes, où l'homme avance parmi les cadavres.

A défaut d'action, il ne reste plus à Churchill, pour montrer l'amour qu'il porte à son pays, que la parole, en analogie au fameux Discours d'un Roi, qui empruntait quelques accents de comédie là où le film de Jonathan Teplitzky se montrera plus crépusculaire. Par les mots, il se résout à faire un pas en arrière en embrassant sa fonction de leader, dans un bureau qu'il détestait naguère. Loin militaire qui a construit son aura sur le terrain.

Etrange faux biopic que ce Churchill, qui rechigne à montrer la souffrance éprouvée sur le champ de bataille, à la réalisation consensuelle, au rebond classique de son personnage principal au contact de ses proches. Les férus d'histoire de la seconde guerre mondiale, ou plus simplement de l'homme, n'apprendront sans doute pas grand chose de neuf sur leur sujet de prédilection. Mais l'interprétation solide et le phrasé de Brian Cox font mouche, tout comme celle de Miranda Richardson, son épouse délaissée et entière. Et sa manière d'aborder l'illustre, en mettant en avant ses faiblesses, sa culpabilité, sa blessure narcissique, désacralise le mythe derrière lequel se cache l'homme. Simplement un homme. Hors du temps, comme en décalage avec ses contemporains.

Behind_the_Mask, qui entend l'appel des drapeaux.