Bien qu'il soit argentin, Citoyen d'honneur ne partage que quelques points communs avec l'explosif Les nouveaux sauvages. Le goût de la satire et de l'humour noir, sans doute, mais le film de Cohn et Duprat n'est qu'en partie une comédie avec des éléments dramatiques et une réflexion fort intéressante sur les mécanismes de la création. Le film est entièrement vu à travers les yeux de son héros, écrivain qui vient de recevoir le Nobel, de retour dans son petit village de la pampa qu'il a quitté depuis ses 20 ans. De cynisme, il n'y a point dans cette vision certes cruelle mais aussi parfois tendre de la vie provinciale. L'écrivain lui-même est un individu peu sympathique, arrogant et manquant assez souvent d'humilité même s'il lui arrive d'être lucide par rapport à lui-même. Le film est finalement davantage axé sur la manière dont les romanciers se nourrissent sans aucun principe moral des personnes qu'ils rencontrent. Cette mise en abyme de la réalité et de la fiction se retrouve d'ailleurs dans un dénouement assez malin, comme un symbole d'un film loin d'être lisse et qui peut donner lieu à plusieurs interprétations. Son écriture a quelque chose de littéraire et il faut bien avouer que son aspect visuel est beaucoup moins léché. Cohn et Duprat ont un riche passé de documentariste et nul doute que filmer à la fçon du Dogme danois leur a semblé la meilleure option. A la réflexion, le choix n'est pas si mauvais. L'interprétation d'Oscar Martinez, qui lui a valu un prix à Venise, est absolument remarquable au milieu d'un casting d'où émergent un certain nombre de "trognes" invraisemblables. Cela ajoute à une dimension absurde, voire kafkaïenne, d'un récit où rien n'est prévisible et où le cauchemar n'est pas loin de prendre un aspect fantastique. Citoyen d'honneur n'a pas le même impact dévastateur de Les nouveaux sauvages mais c'est un film plutôt subtil derrière une apparente rugosité et à l'honneur de l'école cinématographique argentine.