Alex Garland a le mérite de proposer des œuvres qui font parler et qui divisent. Civil War ne fait pas exception. Le film décrit des États-Unis dans un chaos de violence totale ou des journalistes recherchent le scoop sur la ligne de front, A la fois spectateur et acteur de ce qui les entoure.
Le film est construit de manière lisible et bénéficie d'un très bon rythme. Il alterne efficacement les temps rapides des attaques et plus longs de l'avant comme de l'après. Si le quatuor et de manière globale très bon, je trouve les performances de Kirsten Dunst et Stephen McKinley Henderson particulièrement touchantes. Leurs deux personnages sont partagés entre lassitude et fatalisme d'une part et curiosité et ténacité professionnelle d'autre part. Et il faut reconnaitre que Jesse Plemons délivre une performance incroyable aussi bien dans l’horreur que la précision.
L'esthétisme du film est très travaillé avec une photographie tout en iridescence, de nombreux ralentis et un grand nombre de clips shows à la musique décalée. C’est propre bien que de plus en plus convenu, dans un style très Sundance ou A24. Mais là non plus je ne perçois pas la pertinence de ce choix qui ne semble rien dire de plus au propos. Pour moi c'est un peu du joli pour faire joli sans pour autant faire sens.
J'ai quand même l'impression d'un grand vide face au film. Ainsi Alex Garland a choisi de dépolitiser son scénario et de modifier les factions attendues, mais également de supprimer la politique en tant qu'institution et mode d'organisation sociale. Si cela peut lui permettre d'éviter de polariser le débat sur des tensions actuelles, cela ne laisse selon moi de place qu’au chaos sans rationalisation possible et le film finit par n'être qu'une esthétisation de la violence. On ne comprend jamais qui a fait quoi, le pourquoi des choses, et il ressort finalement une grande confusion sur le contexte de cette guerre civile.
Et c'est là pour moi le point de clivage de Civil War. Soit je déplore son manque de réalisme dans sa manière d’appréhender les guerres civiles et le journalisme de guerre bien trop sur le front, et dans ce cas, tout propos critique sur la tyrannie des images et la destruction du contrat social me paraît assez factice voire hypocrite. Soit je considère que le film n'est qu'une parabole ou le réalisme n'est qu'un accessoire et où l'action prime sur l'ensemble, et dans ce cas je ne comprends pas vraiment ce que je cherche à faire le réalisateur. Dans les deux cas je suis assez perplexe sur ce que je dois retirer de cette œuvre, qui fait plus acte de vanité que de nouveauté. D’un point de vue technique, c’est à tout point une œuvre forte, mais l’écriture et la symbolique en découlant ne sont pas au même niveau.