Civil War
6.9
Civil War

Film de Alex Garland (2024)

Civil War : Elle n'a jamais été aussi proche...

Difficile de ne pas voir dans Civil War, la peur engendrée chez une partie des américains suite à l’invasion du Capitole le 6/1/2021 montrant clairement une division au sein de son propre pays, en termes d’idéologie et de politique à appliquer. Fasciné par l’anticipation, Alex Garland a réalisé ce long-métrage dans un contexte géopolitique extrêmement tendu pour nous mettre en garde afin d’éviter le pire. Et ce n'est clairement pas gagné d'avance.


La liberté d’expression étant la plus bafouée en ce moment, il nous propose de découvrir cette guerre civile à travers les yeux de journalistes et objectifs de reporters de guerre. Parmi eux, nous retrouvons, sur grand écran, depuis Les proies, Kirsten Dunst, une sommité dans la profession décidant d’obtenir une interview du Président américain et un bon cliché pour sa carrière. C'est assurément l'une des forces de ce film.


Alors que la bande annonce laissait espérer un récit tendu et haletant, comme dans 28 jours plus tard, ne laissant aucun répit à nos héros pour atteindre leur but. Au lieu de cela, nous avons droit à un road-movie où la dangerosité s’accroît au fur et à mesure qu’ils arrivent à destination, tout en laissant le temps au spectateur de connaître les différents personnages principaux ainsi que leurs motivations : le journaliste paternaliste de la presse écrite du New York Times représentant la sagesse et l’expérience dans son domaine (Stephen McKinley Henderson - Thufir Hawat dans Dune de Villeneuve), la reporter aguerrie affublée d’une jeune rookie inexpérimentée, jouée par Cailee Spaeny, et un fixeur, accro à l’adrénaline, campé par Wagner Moura (Narcos).


Par le biais des situations endurées par les reporters, le réalisateur veut que l’on reste du côté de ses derniers devant la radicalité des comportements de tous ceux partant une arme dans le film. Le cinéaste rend hommage à ces représentants courageux de la liberté d’expression, prenant tous les dangers pour montrer une réalité ou une vérité souvent dérangeante sur les actes commis par une partie de l’humanité. En procédant ainsi, Garland dessine un portrait assez précis de la psychologie, l’évolution de la profession, à travers les différentes générations incarnées par les personnages, autant dans ses bons que ses mauvais aspects.


Cependant, ce choix narratif est inversé sur les évènements où le danger est imminent. En effet, il reste volontairement très évasif sur leurs significations réelles. Par ce procédé, la réaction du spectateur est plus émotionnelle car il manque des éléments afin d’avoir une compréhension claire de la situation. Il veut que le public s’interroge sur ce qu’il voit. Une nécessité aujourd'hui dans le monde d'images dans lequel on vit. Ainsi, rester objectif n’est pas une chose aisée, quelque soit le contexte pris en compte, si on reste à la surface de ce qui est montré.


Alors que cela part d’une bonne intention, cette construction alternée de points de vue crée une répétition entraînant une prévisibilité dans la finalité de certaines scènes.


Malgré deux scènes impactantes dont la plus importante est celle avec Jesse Plemons - certainement le climax du film -, le spectateur est surpris de ne pas en apprendre plus sur ce qui se passe vraiment dans ce pays et la stratégie globale des insurgés car le seul point de vue vraiment développé (et encore diront certains !) est celui des journalistes.


Aussi étrange que cela puisse paraître, il n’atteint pas la qualité de l’Année de tous les dangers ou de Salvador en raison de certaines incohérences diminuant l'impact de ce blockbuster d'A24, moins subversif que prévu (ou vendu sur l'affiche pourrait-on dire).


Par exemple, dès le début, on précise qu’il est nécessaire d’avoir des protections et un casque dans les situations où ils sont le plus exposés. Et bien vers la fin, ils avancent sans aucune protection, tout en suivant l’armée dans son assaut final. Les stratégies militaires ne sont jamais explicites ou crédibles pour apporter un peu plus de tension et de rythme au film. Cela reste au stade du « on veut me tuer alors je tue avant d’être tuer ». Sans oublier, l’énorme blague à propos de la gestion de la sécurité du président dans son QG par un personnel particulièrement inefficace. De plus, ce personnage politique est présenté comme l’incarnation du fasciste (diable ?) en personne. Parfois, un dictateur n’a pas besoin de plusieurs mandats successifs (3 ici) par être qualifié comme tel. A moins que cela ne s’adresse qu’à un certain type de républicains…Vous voyez un peu la subtilité du propos, c'est un peu comme comme si on défonçait des portes ouvertes..


Au moment où le générique apparaît, je suis resté sidéré par la vacuité du propos, en dehors de l’héroïsation des reporters de guerre ,alors que cette situation mériterait d'être traitée avec plus de sérieux et d'implication du spectateur dans ce qui est en jeu derrière ce que l'on voit.


Je ne suis pas sûr que cela aie un impact quelconque sur l’issue de l’élection présidentielle américaine à venir, car la plupart des personnages restent campés sur leurs positions idéologiques du début et à la fin.


En tous cas, une chose est sûre, le temps de l’apaisement des tensions nationales ou internationales n’est pas prêt d’arriver, si les interventions, la coopération et les négociations n’aboutissent à rien de concret. Cela prouve simplement que l’isolement identitaire et idéologique ne mène qu’à la destruction d’un peuple ou d’une nation, voir de notre terre tout entière… A méditer !

Hawk
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le 26 avr. 2024

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